Voici un excellent éditorial publié par l’auteur, éditeur et agent littéraire Thierry Rollet dans le Scribe Masqué, No. 13, janvier 2016 (journal bimestriel PDF de Scribo Diffusion et des éditions du Masque d’Or). Avec la participation du comité de lecture et de rédaction : Audrey Williams, Claude Jourdan et Jean-Nicolas Weinachter.
Les auteurs qui ont participé à des salons du livre ou à des séances de dédicaces l’année dernière l’auront constaté d’emblée : 2015 fut une mauvaise année pour la vente des livres. On peut en trouver plusieurs explications qui n’ont qu’un mérite : elles finissent toujours par se recouper.
Tout d’abord, on parlera de « la crise » mais sans s’y attarder car, à vrai dire, on la subit depuis le premier choc pétrolier de 1973 : moins d’argent, moins d’emplois, donc plus de problèmes pour vivre. C’est ce qui se cache derrière la réponse embarrassée qu’un auteur, derrière sa table et ses piles de livres, entend souvent dans les salons auxquels il participe : « On achèterait bien, mais… ! » C’est ce « mais » qui nous cause du tort dans nos ventes. Il ne contient aucun mépris pour notre activité, il ne fait que traduire la détresse de certains qui doivent réduire leur budget loisirs.
Et pour nous-mêmes, qu’en est-il de nos achats de livres ? Comme du reste, sans aucun doute : lire nous passionne, sinon nous ne serions pas auteurs. Donc, nous achetons… d’occasion, chez les bouquinistes qui savent restaurer des livres disparus depuis longtemps ¹ et qui ne nous coûtent que quelques euros. Ou bien, nous sommes devenus accros à la liseuse électronique qui nous permet également des achats à prix modique. Rien d’étonnant dans ce cas à ce que la plupart de nos salons du livre se voient envahis par des bouquinistes qui finissent par restreindre notre espace auteurs-éditeurs d’une façon colonialiste !
Contre ça, pas de remède miracle. Je peux néanmoins affirmer certaines choses :
- une période de crise du livre n’est jamais définitive, elle suit plutôt la règle fluctuat nec mergitur ; donc, elle passera, comme le reste ;
- vendre ses livres est toujours difficile quand on en est à son premier, à moins d’avoir de la chance, car l’époque où le public faisait un accueil chaleureux à tout nouvel auteur, surtout localement, est hélas révolue ² ;
- le public ne nous méprise pas, il est plutôt gêné pour nous et cherche à nous connaître… à moindre prix !
- les gens lisent toujours autant, même s’ils achètent moins ;
- les auteurs reconnus par le public sont ceux qui publient régulièrement.
C’est par expérience que j’affirme ces principes, qui me semblent sûrs et inattaquables. Je les vis depuis que j’ai commencé à fleureter avec l’édition, c’est-à-dire depuis 40 ans environ. Un auteur qui veut vendre, donc être reconnu pour ce qu’il est avant tout, ne doit jamais se décourager, jamais cesser d’écrire. Cela se comprend tout seul : comment pourrait-il être considéré comme un auteur s’il n’écrivait plus, découragé par ses premières expériences ? C’est presque un truisme.
Donc, voici une nouvelle année qui commence, avec de nouvelles perspectives… et de nouvelles idées. En faisant votre bilan, auteurs, recadrez ce qui n’a pas marché et revisitez les recettes du succès, notamment en forçant la reconnaissance par tous les moyens à votre disposition. Écrivez et parlez de vos écrits avec la joie, la confiance, l’opportunisme qu’on attend de vous. Telle est la clé la carrière et, par conséquent, celle du succès sous toutes ses formes. Et considérez également que je ne parle jamais à la légère.
Bonne année littéraire à tous,
Thierry ROLLET
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J’en ai moi-même retrouvé des miens dans les boîtes à livres des quais de la Seine à Paris !
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J’ai vécu moi-même cette époque en 1981 avec la sortie de mon premier livre : Kraken ou les Fils de l’Océan.
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