Qu’attendre d’un film pour enfants commandé par des financiers et des businessman ? Champion, une équipe gagnante, édité chez Factoris Flm et sorti le 2 juin 2015 en DVD, est coproduit par Bic Media Solutions et Investment Banking, deux entités appartenant au même groupe gérant des comptes de fond de pensions et des offres publics d’achat. Rien de transcendant, bien au contraire. C’est même le genre de production qu’il faudrait absolument éloigné de nos bambins. À de nombreuses reprises, le long-métrage de Teddy Smith nous a donné la nausée et le tenant dans nos mains au moment où l’on écrit, les mains sales.
Amanda (Kyla Kenedy), dix ans et orpheline de sa mère, travaille dans le ranch de son riche voisin, Mr. Canton (John Schneider). Par l’entremise de la dresseuse de Misty, Charlotte (Madeline Thelton) un cheval blanc, elle peut participer à un concours hippique. La fille de l’éleveur, Abigail (Katie Kelly) la rejette et la brime.
Abigail (Katie Kelly)Premier choc, Amanda, du haut de ses dix ans, travaille donc dans un ranch en dehors de ces études. Pas de mauvais esprits de notre part, Amanda ne fait pas menus travaux pour gagner un peu d’argent de poche, non, elle trime comme une Cosette consentante et cela ne brusque personne. On la voit après les cours, de nuit et le week-end en train de faire les lessives, de récurer les toilettes, de nettoyer les écuries, etc. C’est à peine si Mr. Canton lui déclame de temps en temps des répliques paternalistes, non pas comme un ami mais bel et bien comme un patron. Dans ce film, tout le monde se confie d’ailleurs à son patron sur ses états d’âmes comme si de rien n’était. C’est normal, comme tout bon patron paternaliste de propagande, il se doit d’être clairvoyant et de vous connaître mieux que vous-même. Après tout, vous répondez forcément à un cas de figure de ses lointaines études de management. La gamine, bercée par ses inepties, dit à la dresseuse qu’elle a comme philosophie de « faire bien plus qu’on lui demande pour être récompensée au-delà de ses espérances ». C’est bien connu, en commençant par nettoyer les toilettes, pourvu que l’on soit soumis et que l’on mette du cœur à l’ouvrage, on pourra un jour obtenir une machine vapeur pour nous faciliter la tâche.
Amanda (Kyla Kenedy), Misty et Charlotte (Madeline Thelton)
Pour faire écho à cette idiotie qui exalte le mythe du self made man, la dresseuse lui répond de « penser à elle avant de penser aux autres sinon elle finira seule ». La probité, la solidarité et la gentillesse seraient donc les sœurs de la solitude ? Incroyable, on conseille à vos enfants d’être individualiste, sans quoi ils seront rejetés. Dans le cas contraire, c’est sûrement leur argent et leur arrogance qui leur vaudront des amitiés solides. On nage en plein délire. A cela, on rajoute un prosélytisme chrétien hors de tout contrôle où Dieu est cité à toute occasion, à tors et à travers. Sans ciller, lorsque le cheval Misty ne donne pas les résultats escomptés, Mr. Canton déclare à la dresseuse « qu’il connaît un très bon taxidermiste ». C’est à prendre au premier degré et personne ne se trouve choqué par la nature morbide de la réplique. C’est seulement parce que la petite Amanda veut courir sur le cheval (et que sa belle-mère, Tiffany (Candy Brooks) le rachète) qu’il échappe à la boucherie. Un cheval est une denrée comme une autre. Pour terminer cet inventaire nauséabond de Champion, une équipe gagnante, on notera que les seules blagues reposent sur une misogynie assumée. Mr. Canton enjoint son ex-femme « d’apprendre à gérer son argent » tandis que dans une très mauvaise imitation de Colombo, le gestionnaire du ranch, Avery (Delano Holmes) se plaint perpétuellement de la sienne. Pour se donner bonne conscience au milieu de toute cette fange, apparaît la caution morale du long-métrage en la personne d’un pauvre enfant, Thomas (Aiden Flowers) fils dont le père est au chômage, obligé de marcher pour venir au ranch, vous rendez-vous compte ? Tout ce petit entre-soi s’accorde à lui faire la charité. Et l’on sait bien que, pour le capitaliste, charité bien ordonnée est, avant tout, charité bien étalée.
Amanda (Kyla Kenedy)
Nous n’avons pas pu résister de vous parler de Champion, une équipe gagnante qui n’est rien d’autre qu’une grossière publicité subliminale pour les idées les plus libérales. On se sent l’âme de lanceurs d’alerte quand on tombe sur des produits, comment appeler ça autrement, aussi vicieux, se livrant à une propagande qui n’a pas le courage de dire son nom, se cachant derrière une histoire mièvre et mielleuse. Même les passionnées d’équitation, les petits et petites cavalières en herbe ne devraient d’ailleurs pas y trouver leur compte tellement l’équitation est un prétexte à faire passer ces messages. Honnêtement, Champion, une équipe gagnante est très bien dans les bacs des magasins. Qu’il y reste.
Boeringer Rémy
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