Je découvre, depuis l’édition 2015 du Printemps des poètes, la poésie contemporaine, avec Joséphine Bacon et Laure Morali d’abord, puis Zbiegnew Herbert ensuite, un peu plus ancien, disparu en 1998. Gérard Macé est un romancier, essayiste, traducteur, poète, photographe – à en croire sa page Wikipédia – qui a beaucoup publié. Je l’ai découvert avec Le dernier des Égyptiens, une biographie romancée de Jean-François Champollion dont je vous reparlerai.
Ce recueil m’a été conseillé par mon libraire favori – celui qui fait toujours mouche lorsqu’il me conseille, celui aussi qui m’a offert la poésie, qui m’a ouverte à la poésie. Le livre en soi, édité au Bruit du Temps est magnifique, le grain des pages et l’épaisse couverture de carton – lamentablement décorée par mes soins d’une tâche de café – contribuent à faire de l’objet un bien précieux qui m’appartient. L’illustration de couverture, un Ciel de Stanislas Bouvier, ne manquera pas non plus d’attirer l’œil du lecteur sensible. Le contenu ensuite se présente en trois parties. La première porte le nom du recueil, elle mêle des motifs de la mythologie grecque revisités avec justesse au goût de notre siècle. Nous servant Homère, Ulysse et Empédocle dépoussiérés, l’auteur invite naturellement à la lecture à voix haute.
Le vivace aujourd’hui,
le vorace autrefois ont laissé des traces de leur combat
au bord du vide, où pousse une fleur bleue
juste à côté des sandales d’Empédocle. Philosophe
au front brûlant, purificateur isolant l’amour
et le poison dont la haine a besoin
pour séparer les éléments,
je pense à toi quand j’ai la fièvre et des visions.Icare au bord du gouffre, en proie
au vertige au-dessus du volcan, attiré
par un soleil bas qui brûle même en hiver,
ton envol à l’envers me donne encore des frissons.
L’auteur s’attache ensuite au quotidien et aux choses de la vie délaissant les dieux d’antan pour nous proposer Les restes du jour. Il s’inspire tout autant de la Chine ancestrale, de la vie nomade que d’un déjeuner au jardin pour des poèmes légèrement plus courts que les précédents, souvent réduits à quatre ou six vers très imagés, sans titre, et très ancrés dans le matériel pour s’en échapper.
L’énergie du ciel
enfermée dans la montagne.La montagne sur un socle
est posée sur la table
et se déplace en rêve
pour visiter le lettré chinois.
Enfin La fin des temps, comme toujours questionne la mort pour en tirer la force de vivre. Toujours sans titre, en allongeant à nouveau les poèmes. Les figures mythologiques réapparaissent, l’Histoire fait son entrée avec toutes ses guerres ; l’ivresse, le langage, la nature et la pollution sont réactualisés à leur tour.
Des enfants trisomiques ont joué Shakespeare
au bord de l’océan, mieux que les acteurs
habitués aux planches. Pour eux, être est un tel effort
que venger un père ajoutait à peine au fardeau.
Ne pas être, ils en faisaient chaque jour
l’expérience dans le regard des autres.
Traîner un cadavre en coulisse,
déclamer en dominant le bruit des vagues,
c’était prendre à témoin la nature
que le langage humain peut défier le néant.
Il s’en est fallu de peu que ce recueil fasse partie de mes coups de cœur 2015.
Homère au royaume des morts a les yeux ouverts – Gérard Macé
Le bruit du temps, 2014, 80 p.
Challenges concernés
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