Pour le dire tout net, L’Opération Sweet Tooth est bien en-dessous du niveau d’Expiation du même auteur. L’histoire est linéaire, le style ne témoigne pas d’une recherche particulière, les sentiments du personnage principal y sont exprimés de manière bien moins raffinée au point qu’on s’ennuie parfois des états d’âme et des mésaventures d’une écervelée sans réelle épaisseur. Le retournement final cher à l’auteur est bien là, amusant, littéraire, sans révélation étourdissante (du moins ne m’a-t-il pas fait me retourner cent fois dans mon lit les trois nuits suivantes comme celui d’Expiation). On a là en fait une agréable pochade sur ces années déprimantes et chaotiques que furent les Seventies au Royaume-Uni : tout semble aller à vau-l’eau ! Rien ne va plus au royaume de Dame Elizabeth : ni les institutions, ni la classe politique, ni l’économie, ni la crédibilité internationale du pays, ni même les idéaux rénovateurs des hippies (dont la sœur de Serena est l’illustration, hélas peu réussie littérairement parlant – elle n’apporte rien à l’histoire).
Ce qui m’a le plus plu dans ce roman finalement, ce sont les détails qui « font vrai », tout droit sortis des souvenirs de l’auteur (qui avait à peu près le même âge que son héroïne au même moment) : l’arrivée du jetable (comme les kleenex) et de la cuisine « exotique » (la roquette et les croissants), les coupures d’électricité, les petits groupes de rock surdoués jouant dans les pubs londoniens, Idi Amin Dada le président ougandais offrant une aide alimentaire aux Britanniques (oui le même bouffon sanguinaire que dans Le dernier roi d’Ecosse), la saleté du Londres de l’époque…
J’ai aimé aussi que soit présente dans un roman la « guerre froide culturelle » que se livraient pays de l’est et pays de l’ouest, à coup de subventions déguisées, de comités d’action « indépendants », d’écrivains et penseurs soudoyés par le pouvoir, de journaux ouest-européens captifs des dollars de la CIA, car c’est un sujet sur lequel j’ai travaillé il y a peu. L’atmosphère feutrée et kafkaïenne des services secrets, leurs petites guéguerres, sont un sujet qui donne facilement lieu à d’ironiques envolées. Symbolique, l’amour effréné et platonique que Serena voue à Soljenitsyne est tordant, même s’il est complètement insolite.
Et c’est parce que le personnage de Serena est ainsi, éparpillé, incolore, sans raison d’être, artificiel en un mot, que ce roman n’a été rien de plus qu’un moment de plaisir, sans que le cœur y soit vraiment. Peut-être cela tient-il à la vérité que nous révèle la fin justement ? Tom Haley a de son côté un peu plus d’épaisseur. Le côté éthique de l’histoire (la manipulation d’un auteur) et son clash avec l’amour et ses raisons que la raison ne connaît pas, son contrepoint avec l’art du roman, tout cela m’a laissée de marbre, peut-être parce que j’ai eu le sentiment que Ian McEwan ne faisait qu’effleurer son sujet.
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Challenge « A year in England«