Pour répondre à la critique d’une éventuelle discrimination entre citoyens français, Hollande et Valls réfléchissent à l’étendre aussi aux mononationaux, au risque de contrevenir à l’esprit de notre République et de violer certaines conventions internationales.
Sont-ils devenus fous? Cette question tourne en boucle dans nos cerveaux pourtant habitués à toutes les dérives. La dernière trouvaille en date des fossoyeurs des valeurs de la gauche est tellement improbable que la formuler donne le vertige sinon la nausée: le gouvernement n’exclurait pas l’idée d’étendre la déchéance de nationalité pour actes de terrorisme à tous les Français, binationaux ou non, quitte à créer des apatrides… Oser émettre cette possibilité dans le débat public est déjà, en soit, un acte mortifère. Toutefois, cela serait «philosophiquement souhaitable», selon une source gouvernementale citée par l’AFP. Voici la philosophie appelée à la rescousse. Répliquons donc avec Montesquieu, l’un des penseurs de la séparation des pouvoirs: «Une injustice faite à un seul est une menace faite à tous.» Alors qu’il voulait réaliser un sombre coup politique, en obligeant la droite à voter la déchéance, l’exécutif se réveille comme pris à son propre piège. Et il perd la raison en jouant aveuglément la surenchère. Pour répondre à la critique d’une éventuelle discrimination entre citoyens français, Hollande et Valls réfléchissent sérieusement à l’étendre aussi aux mononationaux, au risque de contrevenir à l’esprit de notre République et de violer certaines conventions internationales.
Et pendant ce temps-là, attention à un autre piège, qui menace la société tout entière et qui ne doit pas être renvoyé au second rang: la constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la mise sous le boisseau des libertés publiques… Les socialistes eux-mêmes sont déboussolés, en perdition ou en rupture de ban face aux dérives droitières d’ordre et de choix antisociaux, sans parler des tentatives à peine voilées de recomposition entre libéraux, qui conduirait à une coalition médiocratique. C’est à se demander si une grande majorité des membres du PS ne deviennent pas des apatrides au sein de leur propre parti! Hier matin, sur France Inter, Anne Hidalgo disait à propos de la déchéance de la nationalité: «Je suis comme beaucoup de Français dans un état de rage, je ne supporte plus les postures, parfois les impostures.» Nous partageons cet état. [EDITORIAL publié dans l’Humanité du 6 janvier 2016.]