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Vladimir Jankélévitch : L'imprescriptible

Publié le 05 janvier 2016 par Despasperdus

En ces jours, il n'est pas inutile de lire ou de relire Vladimir Jankélévitch.

Si l'Histoire ne se répète pas, les récents bégaiements sont troublants comme cette politique de droite conduite par un PS autoproclamé de gauche qui s'acharne à détruire les conquêtes du mouvement ouvrier à l'instar d'un Daladier entre 1938 et 1940, ou cette volonté de Hollande de restaurer la déchéance de la nationalité, profitant opportunément ainsi du choc des attentats pour récupérer, en quelque sorte, certaines idées de l'extrême droite, et ce faisant, pariant sur cette dernière pour conserver le pouvoir en 2017.

Ce tableau nauséabond des temps présents ne serait pas complet sans le relooking de l'extrême droite par la grande bourgeoise Le Pen. Depuis peu, la faschosphère essaie d'imposer sa réécriture grossière de l'Histoire selon laquelle l'extrême droite n'aurait aucune responsabilité majeure dans la collaboration... L'autre nouveauté est le nouveau discours social du FN, un misérable vernis qui vise à attirer les pigeons en piquant ici et là quelques idées à la gauche radicale.

Aussi, vais-je conclure ce court billet par quelques extraits d'un texte issu du recueil L'imprescriptible. Pardonner ? Dans l'Honneur et la dignité qui a quelques résonances avec l'actualité.

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Vladimir Jankélévitch, résistant de la première heure et grand intellectuel, déchu de la nationalité par Vichy, rappelle que les nationalistes de son temps défendaient le système capitaliste et les classes possédantes plutôt que les intérêts du peuple français :

« Le danger mortel que le pangermanisme nazi faisait courir à la France passait désormais après le danger que la Russie soviétique faisait courir aux privilèges de la bourgeoisie internationale; la menace que l'ennemi "héréditaire" dirigeait contre l'existence même de la nation était de peu d'importance auprès du concours que cet ennemi apporterait un jour contre le seul ennemi essentiel, l'ennemi des coffres-forts et des privilèges sociaux. »

Il souligne que l'extrême droite avait aussi un vernis social, voire anticapitaliste pour enfumer le peuple dans les années 30 :

« La rupture de la tradition nationaliste, faussant toutes les positions politiques, amorce en France ce renversement affolant des extrêmes, ce vertige universel, cette imposture cynique qui permirent au fascisme de s'approprier le langage du socialisme et le rôle du pacifisme (...) c'est à ce moment que les stylographes des plus infâmes journaleux de Gringoire ou de l'Action française s'habituèrent à écrire les mots, nouveaux pour eux, de "ploutocratie", "trusts", finance internationale", "haute banque juive", etc. (...) les professeurs de confusion, qui devaient être plus tard les profiteurs de la honte, acquirent même une certaine virtuosité dans cette transposition raciste du marxisme. »

Son tableau des élites bourgeoises de l'époque n'a pas pris une ride :

« L'admiration maladive du militarisme allemand, de l'ordre allemand, de la science allemande, qui faisait le fond du vieux complexe germanophobe et en expliquait l'ambivalence, put ainsi s'exprimer au grand jour. Cette germanophilie morbide allait jusqu'à développer, dans les milieux bourgeois, le mépris de l'Italie, même fasciste (...) parce qu'ils croyaient avoir enfin trouvé plus lâche qu'eux-mêmes. Cette admiration a connu ses formes les plus insolemment militantes dans la haute bourgeoisie parisienne, qui est bien la bourgeoisie la plus intelligente, la plus méchante, la plus agressive et la plus corrompue de l'Europe. »

Enfin, si certains doutent encore de la collusion entre le Capital et l'extrême droite, Vladimir Jankélévitch souligne qu'elles s'étaient préparées à la Collaboration bien avant l’avènement du régime de Vichy :

« Le flirt avait déjà commencé, pendant l'Exposition de 1937, avec les mondanités du Pavillon allemand où l'élite cagoularde des beaux quartiers se retrouvait pour le diner. Plutôt qu'en 1940, le fond de l'ignominie a peut-être été atteint en 1938, sur ces Champs-Élysées cagoulards où les belles dames acclamaient l'affreux triomphe de Daladier et glapissaient : "les communistes sac au dos ! Les Juifs à Jérusalem !". »

Il y a des lectures comme celle-ci qui remettent les points sur les i et qui soulignent la constance politique de certaines forces...


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