Faut-il prendre ce livre au premier degré ? Le père est un haut fonctionnaire (administrateur de la ville de Paris, une sorte d'énarque local) mais il crache sur l'Etat qu'il est supposé servir ; il admire le grand fauve du capitalisme alors qu'il exerce une sinécure (secrétaire général d'une grande école) ; le gamin est un petit monstre décérébré ; les grands parents étaient pétainistes ; le monde est une caricature de la société anglo-saxonne. A tel point que ce qu'il retient de Steve Jobs et d'Edison est qu'ils furent des voleurs ! Ils doivent leur succès à des idées qui n'étaient pas les leurs. Même de Gaulle était un manipulateur. "Je vous ai compris" pour mieux vous trahir.
Le conseil qu'il donne à son fils est d'être immensément riche pour pouvoir être indépendant. Le prince moderne est un milliardaire de la Silicon Valley. Il a le talent d'utiliser les ressources de la société à son profit. En cela il est peut être justifié parce que l'être supérieur mérite de se dégager d'une humanité pestilentielle.
Application : "travaille pour toi", "fais travailler les autres", "séduis", "mens", "enrichis toi", "dépasse toi" (en suivant l'exemple de ceux qui ont réussi), "connais l'histoire" (la justice ne triomphe jamais) ; "garde ta foi" (pour toi, et garde-toi de l'appliquer quand elle peut nuire à ton intérêt) ; "préserve toi de la barbarie" (le monde est abject).
Serait-ce l'image de l'humanité que nos grandes écoles d'administration donnent à leurs diplômés ? Un monde bâti sur de pareils principes peut-il être durable ? Toujours est-il que l'exercice est méritoire : si vous deviez donner des conseils à vos enfants, que leur diriez-vous ?
(HENNEQUIN, Jean-Baptiste, Machiavel pour mon fils, Actes Sud, 2015.)