Sanjay Leela Bhansali, pour sa huitième réalisation, compose également la musique. Bajirao Mastani compte les amours d’un célèbre général marathe et Peshwa (premier ministre) du Chhatrapati (empereur) Shahu, Bajirao I et de sa concubine Mastani. Ces personnages historiques du dix-huitième siècle indien ont marqué les esprits et on en a forgé bien des légendes alimentait par le caractère impossible de leur romance, elle, étant musulmane et lui, hindouiste. Pour interpréter cette romance aux accents épiques, le metteur en scène a fait appel à quelques-uns des charismatiques acteurs indiens de leur génération dont Ranveer Singh, Deepika Padukone et Priyanka Chopra.
Au dix-huitième siècle, auréolé de ses récentes victoires, Bajirao (Ranveer Singh) est nommé premier ministre par l’empereur marathe Shahu (Mahesh Manjrekar). Formant un couple heureux et admiré de tous avec sa femme Kashi (Priyanka Chopra que l’on a vu dans Mary Kom), il fait connaissance lors d’une campagne à l’étranger de la belle Mastani (Deepika Padukone que l’on a vu dans Kochadaiiyaan et Happy New Year). Cette rencontre va modifier et sceller son destin. Bajirao (Ranveer Singh)
Bajirao Mastani est une fresque épique s’effaçant devant une romance à la dramaturgie mesurée. Entrecoupé d’épisodes militaires, c’est bel et bien cette l’histoire d’amour qui fournit le fil conducteur et donne tout son intérêt au récit. Bien sur, les confrontations entre marathes hindouistes et moghol musulman sont autant de résurgences d’un passé dont les ramifications émergent encore aujourd’hui dans le conflit larvé entre le Pakistan et l’Inde. Bajirao Mastani aurait pu se contenter d’exalter un sentiment patriotique en encensant une figure nationale. Ce n’est absolument pas le cas. Grand guerrier et stratège de génie, le Bajirao du film annonce souvent qu’il ne se bat pas pour la religion mais pour des causes politiques. Il a pour but de marcher sur Delhi et d’unifier l’Inde. Quand il le faut, il sait d’ailleurs nouer des alliances et éviter le combat. Les batailles illustrées dans le long-métrage sont toutefois l’occasion de mettre le paquet sur les chorégraphies, Bajirao étant capable de défaire à lui seul des dizaines d’ennemis dans la grande tradition de démesure bollywoodienne. Kashi (Priyanka Chopra)
Derrière cet état de fait géopolitique de l’Inde au dix-huitième siècle, l’histoire d’amour entre Bajirao et Mastani esquisse des espoirs qui peuvent servir de leçon jusqu’à nos jours. Kashi, profondément amoureuse de lui et blessée, en conséquence, par le choix de son mari de prendre une concubine, est une figure de tempérance et de conciliation qui fait d’elle, la vraie tragédie de Bajirao Mastani. Pour autant, l’amour interdit de Bajirao et Mastani est riche d’enseignement. La mère de Bajirao (Tanvi Azmi), aidé en cela par la caste des brahmanes, fera tout ce qui est possible pour faire échouer le second mariage de son fils, rivalisant en cruauté et en stratagème mortifères. Les raisons de sa haine ne sont rien d’autre qu’un aveuglement religieux et idéologique, presque eugéniste, typique de l’aristocratie, accentué par le système des castes, portant sur la pureté du lignage et du sang. La réaction de Bajirao est sans appel, il rejette alors la religion de ses parents et celle de son épouse, élevant l’un de ses enfants dans les rites musulmans et l’autre dans les rites hindous, indifférent aux apparences sacramentaires. Consacrant l’Amour comme seul religion valable et rejetant les bigots face à leur propre contradiction, le voilà qui se met à dos les puissants et les envieux alors même que sa démarche ouvrait un espoir de concorde. Mastani (Deepika Padukone)
Semblable à tant de grandes romances historiques, à la suite d’Héloïse et d’Abélard, de Roméo et Juliette, l’Amour de Bajirao et de Mastani est voué à l’échec, car les causes politiques qui s’y oppose dépasse malheureusement leurs ambitions de bonheur. Abandonné des dieux qui sont toujours impuissants face aux exactions des mortels, les voilà condamné. Bajirao Mastani est une belle et grande fresque entre guerre et paix qui ouvrent avec beaucoup de mélancolie et pour l’espace de quelques instants la porte vers ce monde d’Amour auquel l’on voudrait tant croire avant que la réalité cynique ne nous rattrape. Porté par un casting exceptionnel et fort bien réalisé, c’est le film indien de ce début d’année à ne pas manquer.
Boeringer Rémy
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