L'année 2015 aura finalement été totalement paradoxale dans plein de domaines et sans doute pour le tourisme français. Il est évident que l'activité touristique a été soutenue un peu partout dans l'hexagone, grâce à un ensemble de facteurs (dont la météo et les problèmes sécuritaires au Maghreb ne sont pas des moindres). Une excellente année pour beaucoup de professionnels donc, au moins jusqu'à mi-novembre. En même temps, c'est vraiment en 2015 que l'on a perçu de tous bords un intérêt accru pour le tourisme. Amine Hamouche et son mythe du laquais se sentent moins seul maintenant que la grande majorité des élus se sont convertis aux vertus de l'économie touristique.
De ce fait, on pourrait dire que 2015 a été une excellente année pour le tourisme. Et paradoxalement, jamais on a senti autant d'inquiétude chez les acteurs, institutionnels et privés, qui se voient ubérisés, restructurés, et donc secoués profondément dans leurs certitudes.
D'où cette abondance de mots digne du jeu Kamoulox qui ont émaillé nos échanges durant l'année 2015 : Ubérisation, hybridation,structuration, loinotrisation, ou encore humatérialisation.
Certains de ces néologismes méritent que l'on s'y attarde, car ils seront encore employés à toutes les sauces en 2016, et souvent avec raison!
L'ubérisation
Le mot le plus utilisé de 2015 sera encore plus présent en 2016 dans nos conversations. Même si nous ne l'avons utilisé que dans 5 articles l'an dernier, de nombreux papiers ont porté sur l'irruption de nouveaux acteurs dans l'économie touristique. Nouveaux acteurs qui interviennent dans la chaîne de valeurs avec un service meilleur ou plus rentable et qui de ce fait bouscule l'ordre établi.
Mathieu Bruc en fin d'année a produit plusieurs papiers de fond sur le match qui oppose AirBnB aux hôteliers avec un verdict attendu en ce début janvier. Je vous invite à relire ces articles de synthèse fort bien documentés, qui montrent que rien n'est fini dans le domaine de l’hébergement et de la distribution. Dernier exemple en date : AiBnB ouvre sa plateforme aux hôteliers qui souhaiteraient y commercialiser des chambres. Comme les frais de distribution ne sont que de 3% pour l’hôtelier (le reste étant payé par le client) contre 15 à 25% pour les OTA traditionnels comme Booking.com, notre prestataire risque de ne pas réfléchir longtemps... Ou comment Booking après avoir ubérisé les systèmes de réservation institutionnels risque de se faire uberiser par AirBnb...
Ce qui restait aux DMO, comme la gestion de l'information ou l'observation va-t-il suivre définitivement ce même chemin?
Cela fait plusieurs années que l'on prédit que Google sera le seul dans le domaine de l'information touristique, mais force est de constater que les SIT sont toujours présents. Le projet Datatourisme s'il parvient à être assez rapide dans sa mise en oeuvre et assez opérationnel dans son ergonomie pourrait bien constituer en 2016 une belle réponse des organismes locaux de tourisme sur la place de la donnée institutionnelle...
Coté observation, les datas clients sont aujourd'hui aux mains des majors du web ou de la téléphonie mobile. Si les institutionnels n'utilisent pas assez rapidement leurs formidables bases clients pour mieux observer et par delà pousser des produits, ce créneau sera rapidement pris par d'autres. Pour moi, 2016 sera l'année de la Gestion Relation Client à fins d'observation économique dans les organismes institutionnels. Mais si nous ne sommes pas assez rapides ou collaboratifs entre les différents niveaux de notre millefeuille, 2016 pourrait être l'année de l'ubérisation des observatoires locaux, départementaux ou régionaux du tourisme...
La #loinotrisation
La loi Notre, vous en avez entendu parler? Et bien ce n'est pas fini! On parlera beaucoup en 2016 de #loinotrisation tellement les deux derniers textes votés en 2015 impacteront notre organisation touristique. Il ne vous a pas échappé que depuis le 1er janvier l'hexagone ne compte plus que 13 régions... Et ce matin, à l'heure de l'élection des présidents et vice-présidents tourisme des régions regroupées, les collègues (que je salue confraternellement) des CRT, services tourisme, agences régionales en charge du tourisme vont regarder avec intérêt ce qui se passe! les objectifs des élus régionaux en matière d'organisation touristique n'ont pas été très explicités dans la majorité de ces nouvelles régions. Quid des CRT, des FROTSI, du travail avec le niveau départemental et local?
Une grande partie de 2016 va donc s'organiser autour de quelques mots : #organisation #travaillerensemble #enmodeprojet. Bon courage!
Mais la #loinotrisation concerne aussi et beaucoup les intercos et par voie de conséquence les offices de tourisme qui vont être regroupés, hâchés, réadpatés, reterritorialisés, renforcés parfois, à marche forcée d'ici le 1er janvier 2017. Le contexte n'est pas joyeux : les textes de mise en oeuvre n'ont pas été publiés, et de nombreux aspects de la loi NOTRe restent flous. Ajoutons à cela l'absence totale de pratique manageuriale des élus, et on imagine que l'année ne va pas être amusante pour tous les directeurs d'offices de tourisme. Bon courage à eux aussi, en espérant qu'il ressortira surtout du bon de cette phase de restructuration.
En attendant, on n'a pas l'impression de la #loinotrisation va beaucoup s'occuper de tourisme pour l'année qui arrive...
L'humatérialisation
Joli mot que celui de l'humatérialisation, qui est apparu dans nos colonnes grâce au cerveau fertile de Pierre Eloy et de ces acolytes en septembre 2013. Et je parie fort qu'il sera pour une troisième année consécutive au moins sur le podium des néologismes les plus en vogue dans notre métier!
L'hmatérialisation comme réponse à un paradoxe : le touriste ne veut plus être pris pour un touriste, et les offices de tourisme doivent du coup suivre la tendance de l'accueil personnalisé et humanisé...
La-dessus, je suis plutôt confiant, au vu du nombre d'initiatives qui éclosent un peu partout en France. Les offices de tourisme ont une capacité de créativité insoupçonnée. Et le mouvement de remise en question de nos modes de fonctionnement ne peut que se poursuivre. Cette remise en cause permanente est sans doute aidée par les rendez-vous professionnels comme les Rencontres Nationales du Etourisme, les Voyages en Multimedia et autres évènements.
Car il est important, pour arriver à changer sa façon de penser, et quitter sa zone de confort (Kamoulox?), de ne pas être tout seul...
Sinon, il faut peut-être dire à ce Logis de France savoyard croisé durant ces vacances, et qui s'appelle "Aux touristes" qu'il faut qu'il réfléchisse à changer de nom en 2016?
Belle année etouristique à tous nos lecteurs, la rédaction du blog sera une année de plus à vos cotés en 2016!