Voici le compte-rendu officiel de notre réunion du 14 Février 2008, au Club ADETEM Rhône Alpes !
Nous avions choisi ce thème pour plusieurs raisons :
D’abord parce que les derniers chiffres et tendances tous business confondus montrent depuis quelques mois ou années que plus personne ne peut faire l’impasse sur le e-marketing , voire le e-commerce.
Mais surtout parce que, si on veut s’aventurer sur ce terrain, le e-business implique un bouleversement parfois complet des modes de distribution classique :
Si je suis une marque, BtoB ou BtoC, commercialisée par un réseau de grossistes ou revendeurs, que vont dire mes clients si je vends en direct?
Si je suis une enseigne avec un réseau, comment gérer ce nouveau canal face à mes points de vente ? Quelle offre et quel message vers mes clients ?
Et comment convaincre mes vendeurs ? Surtout s’ils sont indépendants ?
Pour répondre à ces multiples questions, Martine Crocquet, Bruno Blaser et Rachel Marouani nous ont donné leur éclairage, mais surtout ont partagé leur expérience avec une grande transparence, au travers d’une étude de e-consommateurs IOD/Customeye’s, des projets de e-business Sport 2000 et des succès on et off line de Sephora.
Caddy ou ordi ?
Dans son étude, Martine Crocquet a justement cherché à savoir, pour poser le sujet, si le e-commerce se développe au détriment du commerce traditionnel ou si les deux canaux coexistent en plus ou moins bonne harmonie – en tout cas du point de vue BtoC-. Grâce à un échantillon de e-shoppers constitués avec soin, à qui on a demandé de faire part régulièrement de leurs attitudes et habitudes d’achat on-line et off-line, plusieurs vérités sont apparues.
Certes le e-commerce a explosé, mais sa progression se ralentit légèrement, et il ne représente encore qu’une partie des millions de transactions qui s’effectuent en France. Le commerce traditionnel a donc encore de beaux jours devant lui.
Mais cette croissance du e-commerce est inexorable et incontournable. On ne reviendra pas en arrière et aucun business, BtoB ou BtoC, ne pourra en faire abstraction !
Pour les e-shoppers, le web est surtout un moyen d’optimiser le temps d’achat (course contre le temps en semaine, temps des courses le week-end !) le choix, la flexibilité (24/24 – 7/7) et le prix (impression réelle ou fausse de faire de bonnes affaires) ! Mais il donne vite l’occasion de se créer des rituels de shopping on-line : comme on passerait régulièrement devant son magasin préféré, le nouveau e-shopper déambule quotidiennement sur les sites ou scrute ses alertes mails pour trouver les bonnes affaires du jour.
La mixité des deux canaux est en fait naturelle et permanente : on s’informe systématiquement en ligne avant l’achat et avant d’aller en magasin ; ou bien on va regarder et tester en magasin avant de finalement acheter en ligne.
Les comportements sont cependant assez différents entre hommes et femmes (on retrouve les mêmes comportements impulsifs ou raisonnés, et les mêmes catégories d’achat que dans les transactions traditionnelles).
Pour autant, la part des achats en ligne diminue quand l’achat est plus impliquant (plus cher, plus qualitatif, un cadeau pour lequel je ne veux pas me tromper). Les secteurs qui « résistent » sont donc ceux du vivant (plantes et alimentaire), les produits pour lesquels la relation personnelle est forte, où le risque est considéré comme élevé, et ceux où on anticipe un besoin de SAV.
L’étude montre que le e-shopper reprend le pouvoir en se libérant des « diktats » (de communication ou de situation) de la marque, en faisant plus confiance à ses pairs (verbatim sur les forums) qu’aux avis des vendeurs ;
Mais internet ne remplace pas le magasin, comme le magasin ne remplace pas internet : les deux canaux sont complémentaires du point de vue du consommateur !
Chaque canal a en fait son territoire de plaisir :
•Au magasin… l’expérience sensorielle, sociale et collective ; c’est le spectacle et la distraction des courses, la possibilité de convivialité et de surprise grâce au « push » que je ne cherchais pas.
•A internet… le plaisir intellectuel, et rationnel, individuel mais apprécié pour son gain de temps et l’impression de la trouvaille intelligente.
Au final une seule conviction : le débat click vs brick est dépassé, et c’est dans l’intégration intelligente des deux canaux que repose tout le challenge
Or c’est justement ce qui est difficile à réaliser, et qui nécessite une réflexion approfondie de la marque qui se lance, en fonction des objectifs donnés au canal internet. Est-ce un relais de croissance ? Une simple vitrine ? Doit-il se substituer à un réseau actuel ? Le compléter pour certains clients, certains produits ou certaines zones géographiques ? Est-ce un indispensable face à la concurrence ? Et en fonction de tous ces critères, quelle politique d’assortiment, de prix ou de promotion choisir ? Et surtout, comment vendre le projet au réseau ?
Sport 2000 a un positionnement « Sport et mode » assez distinct de ses concurrents, et ne vend que des marques connues et aucune MDD. Mais justement l’enseigne est confrontée à une concurrence en ligne de plus en plus forte, non seulement de la part de concurrents comme Décathlon ou Intersport (au réseau semblable), mais aussi de la part des marques elle-même (Nike, Lafuma…) ou de sites spécialisés (Spartoo pour les chaussures de sport).
Sachant que l’habillement représente en plus la majorité des articles vendus en ligne (80% du CA de l’enseigne !) et que les ventes d’équipement d’occasion se multiplient.
Face à ce contexte, les adhérents du réseau ont perçu le danger et ont été convaincus de la nécessité d’aller vers le commerce en ligne, pour participer au fort objectif d’augmentation des ventes et surtout à l’amélioration de la notoriété de l’enseigne.
Mais sous quelle forme ?
Toutes les solutions en ligne sont possibles
L’équipe marketing a en fait identifié et évalué 3 solutions :
1.Déstocker et créer la 1ère plateforme d’échange « sport » : les magasins peuvent vendre leurs fin de série en ligne
2.Travailler avec une plate-forme de vente privée pour les produits de marques
3.Créer un site e-store propre
Les actions sont accessibles à l’ensemble des adhérents et pas forcément gérées par l’équipe centrale.
Cas 2 : Un partenariat a également été initié avec www.surinvitation.com , pour gérer les ventes de produits sportifs de marque, co-brandés Sport 2000. Grâce à la notoriété de l’enseigne, la plate-forme a ainsi accès à des marques qu’elle ne pourrait pas forcément distribuer seule. Cela nécessite en contre-partie d’offrir des démarques importantes, de l’ordre de 50%.
Dans ces deux cas, la prise de risque est faible car l’enseigne ne gère pas de stock, écoule des invendus et le tout bénéficie aussi bien au réseau qu’au site partenaire.
Les profits générés peuvent être réinvestis dans la communication dont l’enseigne a tellement besoin pour soutenir en notoriété perfectible.
Reste le cas 3 et l’enjeu site e-commerce en propre, pour lequel la principale gageure sera la logistique, car les magasins étant livrés en propre par les marques, il n’existe pas de plate-forme centrale.
Le projet est lancé aujourd’hui, avec l’aval des adhérents.
Le choix est celui d’une politique de prix et d’assortiment identique à celle du réseau .Seules les promotions seront gérées différemment compte-tenu de la plus forte intensité des soldes et rabais en ligne.
L’animation commerciale du site s’articulera autour de 4 axes :
•Le plan promotionnel des magasins
•Le déstockage des produits ayant un mauvais taux de sortie
•L’achat de coups proposés par les fournisseurs (en prenant soin par contre que chaque « coup » promotionnel obtenu auprès des marques soit toujours d’abord proposé en priorité au réseau de point de vente.)
•Des ventes flash par des mécaniques de réservation produit
La logistique et le partage du chiffre d’affaires : point faible et opportunité
Le programme de fidélisation sera opérationnel en ligne pour les clients porteurs de la carte Sport 2000, mais la BDD des clients on-line n’est pas encore exploitée par les magasins.
La livraison surtout, sera faite en priorité via les points de vente existants, et d’autres alternatives sont à l’étude pour couvrir les territoires « blancs » du réseau Sport 2000 et assurer une flexibilité maximale au client …
La problématique des services liés à la vente n’est également pas encore résolue, et pour l’instant les futurs bénéfices générés par le site seront affectés au budget de communication..
Une alternative intéressante au partage de CA, pour que le nouveau canal de distribution, (qui coûte à chaque point de vente au travers de ses commissions), bénéficie à l’ensemble de l’enseigne et du réseau. Une campagne de communication on et off-line sera justement lancée pour générer du trafic et faire connaître le nouveau site …
Sport 2000 prouve ainsi qu’on peut être on-line de plusieurs façons différentes, avant de se lancer dans le « pur e -commerce » , mais surtout qu’on peut réussir à « vendre » le multi canal même à un réseau dont l’adhésion n’était pas a priori acquise.
Dans le cas de Sephora en revanche, où le réseau est totalement intégré, l’enjeu n’était pas tant de convaincre un réseau qui ne se jugeait par particulièrement en concurrence, que de proposer une véritable offre multi canal à une clientèle de plus en plus jeune et également plus masculine que pour certains concurrents.
L’enjeu de la cohérence et de la gestion globale
L’enseigne souhaitait déployer on-line sa philosophie du « réel » ; « permettre aux clientes d’expérimenter, de découvrir de nouvelles tendances, dans un environnement de passion ».
Sans aller jusqu’au test de parfum en ligne (une réalité du futur?), l’expérience du site e-commerce aux Etats-Unis montrait bien que les clientes étaient « mûres ».
Le site www.sephora.fr « achetez vos produits 24/24 « a été lancé en 2005, avec comme objectif d’être un deuxième canal de vente, et pas seulement un canal d’information. Il est aujourd’hui dans les 5 premiers points de vente du réseau en terme de chiffre d’affaires !
Les facteurs clés de succès sont de l’ordre de la cohérence et de l’efficacité :
•Le site doit être à l’image de Sephora et relaie exactement les mêmes visuels et les mêmes opérations de communication que les magasins
•Son design reste efficace et « marchand » ; il n’est pas surchargé de « fioritures » ou d’animations flash. La dimension « émotionnelle » interviendra éventuellement plus tard
•La logistique est centralisée : la plate-forme centrale existante qui livre les magasins a simplement dédié des tables de préparations aux commandes BtoC et La Poste fait le reste ..
•L’offre produit n’est pas strictement identique mais reste cohérente entre le site et le réseau : elle permet de gérer des complémentarités : on trouvera en ligne le produit qui n’est pas stocké par les petits points de vente, ou qu’on ne peut pas acheter parce qu’il n’existe pas de magasin Sephora dans sa région, ou parce que le magasin était fermé en sortant du bureau ..Si on est pressé(e), le point de vente permet d’obtenir immédiatement un produit qu’il faudrait attendre après une commande en ligne.
•Les politiques de prix et de promotion sont également identiques car le client compare entre les deux canaux ! En cas de différence entre le prix constaté en magasin (éventuellement ajusté pour cause de concurrence locale) et le prix conseillé e-store, Sephora rembourse la différence dans tous les cas
•Les offres commerciales sont également gérées en cohérence grâce au management centralisé de toutes les offres clients / prospects dans l’équipe Marketing Client de Rachel Marouani. Et toutes (fidélité on non fidélité) sont valables on et off-line.
Le réseau de point de vente et les équipes de conseillères ont également compris que le e-store n’est pas un concurrent, mais s’en servent comme support pour les clientes en cas de besoin. D’autant que le CA des ventes en ligne est redistribué aux magasins, au prorata de leur CA ; Cela permet même à certains l’atteinte de leurs objectifs et de leur prime ! Difficile dans ce cas de dire que le site est néfaste au business …
Au final l’exemple Sephora est la preuve qu’on doit et qu’on peut gérer les deux canaux de distribution en toute harmonie, tout en gardant en ligne de mire le bénéfice du client et des ventes : le client multi canal dépense plus et revêt donc une plus grande valeur que le client mono-canal !
En conclusion, grâce à nos intervenants d’un soir, nous savons aujourd’hui qu’il est indispensable pour une enseigne ou une marque grand public d’offrir à ses clients une offre sur le Net ; et si toutes les solutions sont possibles pour s’assurer une présence en ligne, le succès passera
- d’une part, par l’adhésion du réseau au projet, grâce à un partage des revenus ou des tâches
- d’autre part par la gestion en cohérence de l’offre sur tous les canaux, si possible avec une gestion centralisée ou homogène pour que l’expérience client soit la même partout
Ce sera donc caddy ET ordi, et l’un nourrira l’autre,
avec l’aide des équipes terrain et la vision globale du marketeur !