Magazine

Max | Marguerite et l'Enfant-Roi W.J.

Publié le 03 janvier 2016 par Aragon

Queneau à Marguerite : " Ne faites rien d'autre que ça, écrivez." Lacan dit aussi : " Elle ne doit pas savoir qu'elle écrit ce qu'elle écrit. Parce qu'elle se perdrait. Et ça serait la catastrophe."

margaretduras.jpg88.jpg
"Chaque fois que le vieil homme parlait de l'enfant, il pleurait." Ça me fait pleurer.

Elle pense aux bords du Gange quand la Seine après Tancarville "s'élargit voluptueusement pour rejoindre la mer prend l'allure des fleuves d'Asie, la couleur brune de la mousson", selon les jolis mots de Nathalie Chahine (cf le lien de l'Express).

Duras est unique dans sa pensée, dans son écriture. Duras ça ne ressemble à rien d'autre. Je lis sa nouvelle "La mort du jeune aviateur anglais".

Je pense aussi à John Ford, son "Liberty Valance" quand ce vieux foutu pirate nous dit "On est dans l'Ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende" (This is the West, sir. When the legend becomes fact, print the legend) Marguerite, à la suite des habitants de Vauville ne publie pas la légende de l'enfant anglais. Le petit enfant anglais de vingt ans pilote de "Meteor" abattu vraisemblablement par une batterie de DCA allemande du mont Canisy en juillet 44. Elle pense aussi à son frère Paulo mort enfant, lui aussi, autre guerre.

Duras est unique. Elle ne mélange pas, ne rêve pas, ne transpose pas, ne s'envole pas comme l'enfant pilote. Elle écrit. Elle est Duras : unique. Son écriture a la phénoménale puissance des deux moteurs turbo Rolls-Royce du "Meteor", mais la légende... Il y a peu de chances que l'on confia en juillet 44 un "Meteor" flambant neuf, merveille des temps à venir, à un jeune pilote inexpérimenté de 20 ans. Le "Meteor" n'est pas encore opérationnel, l'état-major de la RAF ne l'engage pas dans des zones où il pourrait être abattu et exploité par l'armée allemande. Bref, tout ça que j'écris ne mérite pas en réplique l'once d'une seule goutte de l'encre de Marguerite, pas même sa réflexion. Je fais comme si Marguerite était là. "Je peux dire ce que je veux, je ne trouverai jamais pourquoi on écrit et comment on n'écrit pas". J'ai trop pensé "Meteor". J'ai pensé en me bloquant, en m'arrêtant, sans pouvoir aller plus loin dans ma lecture, un instant, à ce détail, ce "Meteor" perché dans l'arbre, à ce jeune enfant de vingt ans que les habitants de Vauville descendent de son enchevêtrement de ferraille et de bois, la descente de l'arbre, si proche de la descente de la Croix, frère ensommeillé de celui de Jean-Arthur de Charleville en cresson bleu et trous rouges au côté droit. J'étais bloqué. Je ne le suis plus. Le "Meteor" était en fait une "météore". Comme l'écriture de Marguerite.

C'est un roi, l'enfant, confie Marguerite à Benoît Jacquot. On a descendu l'enfant anglais d'une météore, on a séché les trous rouges. Marguerite a écrit. Je ne pleure plus ce soir. J'ai quitté la Normandie. Je pense juste aux pétales séchés de roses dans la maison de Neauphle. Tous ces pétales cumulés. Comme c'est étrange. Incroyable !

http://www.lexpress.fr/tendances/voyage/la-normandie-de-m...

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gloster_Meteor


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Aragon 1451 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte