Chut est un roman particulier, singulier qui mêle poésie, graff, actualité et la vie d’une adolescente de 14 ans Dimitra. Celle-ci vit à Athènes, elle décide de ne plus parler et d’observer ce qui se passe dans son pays en crise, d’observer son corps qui se transforme. D’être la spectatrice de cette faillite de son pays, elle qui sera la génération d’après et devra y vivre.L’auteur nous plonge dans la tête de cette jeune fille qui décide d’écrire ses pensées, idées sur des cahiers puis sur les murs de la ville.
En effet, les murs d’Athènes se sont couverts de mots anarchistes, d’espoir, de courage. Dimitra cherche le bon mot celui qui redonnera l’espoir, elle n’a pas envie de baisser les bras après tous la Grèce a été un grand empire, elle s’est relevée de la guerre, de la dictature des colonels. Elle contemple les vestiges du passé, l’ile de Sérifos pour trouver des mots qui interpellent, font réfléchir. Cela devient une obsession pour elle, l’écriture comme cri, comme miroir sur le monde c’est ce que j’ai apprécié dans le récit. La retranscription de vrais message, de messages inventés par l’auteur, d’autres des célèbres Bansky, Jenny Holzer. L’auteur réussit à faire vivre ses rues d’Athènes, à ce qu’on voit ces murs couvert de ces cris de révolte. On est au cœur de la crise et de ses conséquences, le chômage massif, les magasins et les entreprises qui ferment comme celle du père de Dimitra. Elle évoque aussi le mouvement des indignés, les manifestations mais aussi l’espoir comme sa mère qui s’engage dans une association. La volonté de la société civile de reprendre le dessus face à l’état qui cède au FMI et n’apporte pas de solution. Une autre image de la Grèce loin de l’image de profiteur, une image plus humaine à travers le regard de la narratrice qui essaye de comprendre. Elle nous interpelle sur les choix économiques, le quotidien face à la crise.
J’ai moins apprécié les relations avec sa sœur Agapi, ado obsédée par sa petite personne, son envie d’être actrice, qui est imperméable à l’époque dans laquelle elle vit. La crise du couple de ses parents métaphore de la crise du pays qui semble un peu artificielle.
Le personnage du frère Hypérion est intéressant à l’inverse, car contrairement au reste de la famille, il a choisi l’exil. Il vit à Londres et fait du droit car pour lui l’Europe, la Grèce ne se relèveront pas, il a fait le choix d’abandonner contrairement à sa sœur. Le personnage de la grand-mère est aussi touchant.
La narratrice nous livre aussi son sentiment sur les migrants, en évoquant plusieurs fois Lampedusa, elle associe son aventure à une odyssée, une quête qui lui permettra de s’accepter, elle, ses changements et ceux de son pays. Une poésie se dégage des descriptions.
Un joli texte, même si la 2eme partie est un peu lente, qu’il y a parfois des répétitions dans l’évocation des anecdotes et que la vie de la famille semble parfois anecdotique. Les phrases sont aussi longues, on alterne pensée, action, il y a peu de dialogue ce qui parfois atténue la vivacité du récit. Donc petit bémol sur le rythme car après une 1ere partie choc, la 2eme est un peu longue et la 3e retrouve du dynamisme et montre l’évolution de Dimitra.
Mais le pouvoir de l’écriture qui se transmet aussi au père de Dimitra qui veut écrire un roman est une jolie métaphore de la vie. Elle nous interroge sur la façon de faire face dans un monde qui change brutalement, ici suite à la crise, faire face à l’insécurité, à ne pas savoir ce que l’on va faire le lendemain. Comment l’écrit, l’art peut être une réponse, un moyen de résistance et comment la solidarité, la famille peut aussi être un rempart. De beaux messages en tous cas, donc découvrez la voix intérieure de Dimitra et comment l’écrit, une phrase peut avoir plus de poids que milles discours.