Un film de Céline Sciamma (France) avec... les reverra-t-on un jour ?
Anecdotique. Descriptif. Un peu vain.
L'histoire : Marieme, 16 ans, black, vit dans la cité et claque la porte du collège qui ne veut pas qu'elle entre en seconde, mais intègre un cursus CAP. Sa mère travaille la nuit, elles et ses petites soeurs la voient peu ; le père est sans doute barré depuis longtemps, et le grand frère joue les chefs de famille, macho forcément macho. Marième s'associe à un groupe de trois filles, en groupe on est plus fort. Elles jouent les rebelles, les indépendantes, mais au fond, rien ne change vraiment...
Mon avis : De Céline Sciamma, j'ai détesté Naissance des pieuvres, adoré Tomboy... celui-ci fait la moyenne, mais je me trouve indulgente dans ma note. Je n'ai pas aimé du tout. Pas détesté non plus, ça se regarde, et les filles, surtout la jeune héroïne, sont vraiment mignonnes, naturelles, et drôles. Mais ce genre de trip, non ce n'est décidément pas mon truc. Chronique, quotidien, lent.
Au-delà du cinéma de pur divertissement, j'aime les films qui ont quelque chose à dire, un message, une réflexion, une interrogation. Il semble que ce soit le but de Sciamma, elle décrit la banlieue, prend un angle peu (voire jamais) utilisé : celui de la jeunesse black... mais il en sort quoi ? Rien. On est dans les clichés habituels, la cité, la mère femme de ménage, le père aux abonnés absents, les grands frères... Le parcours d'une jeune fille sur quelques semaines seulement, pas très passionnant donc ; on ne sait pas vraiment ce qu'elle va devenir, et après tout on s'en fout, parce que la réalisatrice observe sans poser de questions, comme si tout cela n'était qu'une fatalité et qu'il n'y avait rien à faire.
De bande de fille, j'attendais en fait quelque chose de plus violent, de plus dénonciateur, quelque chose qui fasse bondir, qui dérange, qui interpelle, comme La haine en son temps. Quelque chose qui explique les "gangs" de fille, aussi violents que ceux des garçons. Ce n'est pas ça du tout. Il fallait entendre "bande" comme tous les groupes de filles du monde entier, dans n'importe quelle société : fofolles, fanfaronnes, rêvant d'un avenir brillant, et rentrant chez maman le soir pour faire prendre la douche du petit dernier. Tomboy était autrement plus iconoclaste et bouleversant.
La scène que j'ai aimée : celle où les filles, habillées de jolies robes volées, un peu éméchées, chantent Diamonds de Rihanna ; c'est attendrissant, d'autant que les paroles de la chanson collent si bien à ce qu'on voit. On imagine comment la jeune chanteuse doit être un modèle (inacessible) pour ces jeunes filles en devenir, comme elles doivent l'aimer, comme il serait bon de pouvoir ainsi danser et chanter toute la vie, comment la réalité, de l'autre côté de la porte, va les rattraper en un clin d'oeil...
En fait, au final, j'ai ressenti une profonde sensation de tristesse. Tristesse pour ces filles qu'on a sorties de leur milieu le temps d'un film, qui ont monté les marches à Cannes, et qui vont très probablement retourner à leur banlieue, sans que personne ne s'interroge jamais sur ce qu'elles deviendront, sur le désir d'identité qu'elles essaient d'exprimer. Exactement comme la situation exposée dans le film !
Donc vous vous en doutez... je ne comprends pas du tout l'engouement des critiques qui ont encensé ce film.
306.000 entrées, sans doute portées par les éloges de la presse : beauté ahurissante, réjouissant, fulgurant, un bijou, radiographie subtile, rageur et scintillant, trépidant... que de qualificatifs ! Bien exagérés, je trouve. On dirait que les critiques prennent des amphé ou un joint avant de voir les films. Faudrait peut-être que je m'y mette.
Je rejoins les rares détracteurs : "La cinéaste ne peut s’empêcher d’alourdir sa mise en scène de coquetteries revenues du pire World cinema et d’en revenir sans cesse à l’impensé sociologique de son scénario, réduisant l’essentiel du récit à des clichés de sitcom." (Les Cahiers) ; "S'il revendique d'être un anti-"La Haine", "Bande de filles" rejoint en fait l'horizon bien pire d'une sorte de roman-photo "Touche pas à mon pote", décliné en épisodes comme aux grandes heures de "Tendre Banlieue" ou "Seconde B". (Chronic'Art) ; "Céline Sciamma réduit son film à une simple injonction fun et inconséquente" (Le nouvel Obs).
Alors, vous, vous avez aimé ?
Le film peut en tout cas s'inscrire dans mon Challenge 2016 : catégorie Film de réalisatrice !