La bande dessinée, vous commencez à le savoir depuis que vous me suivez, peut aborder tous les sujets, sur tous les tons pour tous les publics. Je n’exagère pas, je suis plutôt réaliste en affirmant cela et je vais encore vous le prouver aujourd’hui. En effet, nous allons parler musique, poésie, humanité, paternité, couple, amour, paix et, tout cela, avec une seule bande dessinée, signée Foenkinos, Corbeyran et Horne. Elle s’intitule Lennon et elle est éditée chez Marabulles.
Je sais bien que John Lennon n’est pas le musicien préféré des Français. On aime les Beatles, groupe qui rappelle à certains leur jeunesse et à d’autres la musique d’une époque où tout allait bien – c’est du moins ce que l’on peut avoir en tête… Mais pour les amateurs et fans des Beatles c’est Paul McCartney qui attire les regards, l’affection, l’admiration. C’est lui le grand génie… Lennon c’est l’illuminé, le torturé, celui qui s’est laissé entrainer par Yoko Ono… Alors, Lennon n’est pas le centre des intérêts du monde… Et pourtant…
David Foenkinos a écrit une biographie romancée de Lennon en 2010, un texte original basé sur un John Lennon qui suit une thérapie et qui va ainsi donner sa vision des évènements traversés dans sa vie. Le texte est à la fois profond et léger. Profond, car John parle de sa jeunesse, une période qu’il a mal vécue, qui l’a fait souffrir et qui explique comment il est devenu un grand artiste. Léger car John Lennon est à la recherche de l’apaisement, redécouvre la joie d’être père, veut vivre en paix avec tous ceux qui l’entourent, avec le monde entier… Imagine quoi !
Eric Corbeyran, le scénariste de la bande dessinée, se propose de réadapter ce roman, de se le réapproprier pour lui donner une seconde vie mais surtout pour nous conduire tous au cœur de la personnalité de ce grand John Lennon. Pour cela il reconstitue l’équipe qui nous avait emballés avec l’album Malpasset. Dans cet album étonnant Eric Corbeyran allait interviewer les survivants d’une catastrophe meurtrière qui avait ravagé la région de Fréjus. Avec Horne, ils avaient réussi à rendre vivantes ces rencontres pourtant très statiques et assez naturellement ils se retrouvent pour nous raconter des séances chez le psy, là aussi des séquences statistiques par excellence !
On nous avait toujours dit que la bande dessinée devait être tonique, dynamique, portée par l’action… et ils nous démontrent qu’il n’en est rien, la bande dessinée doit être portée par une narration, un récit, un graphisme adapté… et ça fonctionne diablement bien non d’une pipe !
John Lennon est là, bien vivant, il nous raconte son enfance, la création d’un groupe de musique, la rencontre avec un petit jeune prodige, Paul McCartney, son intégration dans le groupe, la naissance des Beatles… On parlera aussi sexe, argent, drogue, innocence et bêtises. Oui, on oublie que ces quatre jeunes dans le vent se sont retrouvés sans préparation dans une ambiance complètement incroyable, adulés, encensés, parfois utilisés et manipulés, suivis par des fans de tout genre, avec des filles nombreuses prêtes à passer dans leur lit même une seule nuit… Bref, une période qui va laisser des séquelles, qui fera d’une certaine façon souffrir John et c’est paradoxalement avec Yoko Ono qu’il va commencer à redevenir lui-même. Quand il ira mieux, quand il aura le plaisir d’avoir Sean, l’enfant qu’il veut aimer et avec qui il veut construire ce qu’il n’avait jamais réussi avant, au moment où il va réussir à se réconcilier avec Paul, mais surtout avec lui-même, alors il sera assassiné comme s’il n’avait plus rien d’autre à vivre…
Quand on referme l’ouvrage, on a une seule envie, celle d’écouter Imagine la chanson pacifiste par excellence, celle de l’apaisement… On a même envie de dire merci à Lennon d’avoir été ce qu’il a été et ce n’est pas une surprise de voir un musicien venir chanter Imagine devant le Bataclan ensanglanté même si certaines fausses notes étaient venues prendre leur envol à cette occasion…
Etre Lennon n’est pas donné à tout le monde… Non ?
Publié le: Samedi 2 Janvier 2016 - 23:30Source: vivre-a-chalon