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Par quel hasard me suis-je marié ?
D'après MA FEMME (5 février 1882)
À trente ans, je ne pensais pas à me marier. Or, il y a un mois, j'ai été invité au mariage de mon cousin Roger. Ce fut une vraie noce normande. On se mit à table à cinq heures. On mangeait encore à onze heures. Comme voisine, j'avais une Melle Marguerite Carette, la fille d'un colonel d'infanterie. C'était une jeune femme blonde, bien en forme et très bavarde. Pendant toute la soirée, elle m'a accaparé, au point de m'assommer.
Vers minuit, les femmes se retirèrent. Les hommes restèrent à fumer en buvant ou, si vous aimez mieux, à boire en fumant. À deux heures du matin, le château dormait, silencieux. Repu de nourriture et d'alcool, je montai me coucher. J'étais si éméché que je n'ai pas réussi à trouver ma chambre. Toutes les portes de l'étage étaient fermées sauf une. J'entrai, heurtai le lit, m'étendis et m'endormis.
Je fus réveillé le lendemain par une grosse voix qui disait près de moi :
-" Encore couchée ? Lève-toi Marguerite, il est dix heures ! "
Une femme répondit : -" Déjà ! "
-" J'ouvre tes volets ! ", reprit la grosse voix.
Puis des pas s'approchèrent de moi : -" Qui est là ? "
Un homme me saisit par les épaules et me secoua vivement. Mon esprit flottait dans un épais nuage mais j'ai distingué la silhouette du colonel Carette ! J'avais dormi auprès de sa fille !
Le colonel, bientôt calmé, m'interpella : -" Que comptez-vous faire ? Moi, je ne vois qu'un seul moyen pour vous tirer d'affaire : vous devez épouser ma fille. "
-" Non, il n'en est pas question. D'ailleurs, je quitte le château dans une heure. "
-" Ne plaisantez pas, sinon je vous brûle la cervelle ! Vous avez séduit une prude demoiselle. Pour vous, c'est tant pis. "
-" Ne me sermonnez pas ; je n'ai nullement l'intention de me marier. "
Peu après, j'appris que le colonel s'entretenait avec mon oncle. Ils avaient convenu que je devais prononcer ma demande en mariage officiellement et qu'après seulement je pourrais négocier les conditions du contrat.
Cette perspective me soulageant, je regagnai Paris.
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