#SoutenirMezzadri ; un enseignant-chercheur traduit en justice pour avoir raillé les propos racistes de #Valls

Publié le 02 janvier 2016 par Mister Gdec

je suis allé voir. Les explications et la pétition en question sont ici.

Cette citation à comparaître fait suite à un message diffusé en mai 2015 par Bernard Mezzadri sur une liste de discussion interne réservée aux enseignants-chercheurs et personnels de son établissement (« debat-uapv »), où, à l’occasion de la rencontre d’une délégation de l’université avec le premier ministre, il rappelait ironiquement les propos de M. Valls sur le marché d’Évry – dont alors il était le maire –, dans les termes suivants : « J’espère qu’en cette grande occasion la délégation de l’UAPV comptera suffisamment de « blancos » (et pas trop de basanés), afin de ne pas donner une trop mauvaise image de notre établissement. »

La qualification des faits reprochés à cet enseignant prêtent à écarquiller les yeux jusqu’à la limite du possible  :

«  [provocation ]à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée »

Totalement abracadabrantesque, en effet, quand on sait que, justement, l’enseignant tentait de dénoncer un discours ouvertement raciste. Sont-ce les propos et l’intention de cet enseignant qui seront vraiment jugés, ou instruira-t-on plutôt un procès en sorcellerie crime de lèse-majesté ? On peut se poser la question quand on creuse le sujet, au vu du comportement coupable et d’une soumission aberrante au système de ces acteurs universitaires qui ont conduit à cette situation ubuesque. Les autorités universitaires ont en effet considéré dans le document de saisine des autorités judiciaires que les propos de l’universitaire « [semblent] tomber sous le coup de l’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique ».

Car franchement, quand on sait ce que l’on sait sur le rapport très particulier du premier ministre au respect qui devrait être inconditionnel de l’être humain… Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est particulièrement « reprochable »…. Je me souviendrai toujours de son initiative lorsqu’il était encore Maire d’Evry : C’est lui qui devrait se retrouver à la place de Monsieur Mezzadri. Mais il est manifestement bien plus intouchable…. CQFD. Aussi, je vous propose comme d’ordinaire ici de propager l’information sur les réseaux sociaux par tout moyen à votre convenance à l’aide du Hashtag #SoutenirMezzadri.

Pièce-jointe : la lettre de Monsieur Mezzadri au Recteur de l’Académie d’Aix-Marseille  (source):

Avignon, le 11 novembre 2015

 M. le Recteur,

 Suite à une erreur d’adressage, je n’ai trouvé votre courrier de remontrances (du 24 juin) dans mon casier que le mercredi 4 novembre.

 Comme le message incriminé a aussi entraîné une plainte en justice de mon établissement, je serai sans doute amené à m’en expliquer plus longuement, et publiquement.

 Je me permets cependant de vous répondre en quelques mots, car je ne voudrais pas sembler acquiescer par mon silence à la condamnation sévère et sans nuances, injuste à mon sens, que vous prononcez.

 Je précise tout d’abord que mon message a été diffusé sur une liste intitulée « uapv-débats », ce qui me paraît assez incompatible avec une quelconque neutralité (si tant est que cette prétendue neutralité puisse seulement exister) ; si l’on veut « neutraliser » un tel espace d’expression et de discussion contradictoire, il faut tout bonnement le supprimer.

Je ne pense pas non plus que mes propos excèdent les limites de la liberté d’expression, dans une démocratie en tout cas, où n’existe pas (pas encore ?) de crime de lèse-majesté et surtout dans une université qui, naguère, proclamait urbi et orbi être « Charlie ».

 Sur le fond, qui seul importe : mon intention était de dénoncer la xénophobie de M. Valls, telle qu’elle s’est manifestée notamment au marché d’Évry dont il était alors maire, lorsqu’il a estimé que le nombre insuffisant de blancos (c’est son terme !) donnait une mauvaise image de sa ville (le service juridique de mon université est d’accord avec moi sur ce point du moins, je pense, et même renchérit puisque, prenant au pied de la lettre la première partie de mon message où je rappelais ironiquement les termes – odieux, en effet – de M. Valls, il a porté plainte pour « incitation à la haine raciale » !) ; ou encore lorsqu’il a, dans un discours officiel, stigmatisé une population nommément désignée (les Roms) en affirmant (sans aucun fondement objectif, évidemment) que, majoritairement, elle ne souhaitait pas s’intégrer. Il me paraît difficile de nier que de telles paroles, dans la bouche d’un ministre (et pour reprendre votre heureuse expression « étant donné le contexte dans lequel [elles] ont été émis [es] »), sont de nature à renforcer le sentiment de rejet à l’égard de toute une communauté, voire à servir de caution – nolens, je le veux croire – à des passages à l’acte.

 Est-il indigne (d’un maître de conférences) de s’indigner de tels propos ? Ou est-il indigne (d’un maire, d’un ministre) de les proférer ? Est-ce enfreindre la neutralité que de dénoncer sans concession le racisme et la xénophobie, où qu’ils se manifestent ?

Je ne conçois pas ma fonction d’enseignant-chercheur en dehors du respect d’une déontologie et de certaines valeurs (mais sans doute est-ce déjà ne plus être neutre ?) Quand ces valeurs sont ouvertement menacées, j’estime avoir le droit, et même le devoir, de les défendre (entre autres au sein de mon université) fût-ce en dépit, fût-ce contre le pouvoir hiérarchique dont je dépends. Pour le dire dans les mots de votre courrier, la loyauté (l’obéissance ?) que je suis censé manifester à l’égard de mes « supérieurs » ne saurait prévaloir sur mon attachement à des principes fondamentaux auxquels je ne puis renoncer « en mon âme et conscience » (et que je me sens obligé de défendre quand ils sont bafoués, car notre silence d’universitaires vaut complicité). Ce faisant, je ne pense pas, bien au contraire, trahir la mission qui m’a été confiée. Au rebours, vouloir retirer aux enseignants-chercheurs cette liberté de conscience et de parole, partie prenante des libertés académiques dont ils bénéficient traditionnellement, serait s’en prendre aux conditions mêmes qui leur permettent de transmettre et de créer des savoirs en toute indépendance. Seul un régime totalitaire pourrait être tenté d’agir ainsi.

Dans un passé pas si lointain, des universitaires et intellectuels français ont su manifester leur désaccord face à ce type de dangereuses dérives ; à mon sens, ils ont honoré leur fonction, en ayant le courage de dénoncer l’inacceptable, quand d’autres se taisaient ou approuvaient par opportunisme ; je ne prétends pas, bien sûr, m’égaler à eux, mais en répondant à des mots (insupportables) par d’autres mots (sarcastiques), je crois préserver un peu de leur esprit et continuer modestement leur combat.