Un troisième ouvrage de Camille Lemonnier fait son apparition dans la collection "Bibliothèque belgicaine" de la Bibliothèque malgache. Après Au cœur frais de la forêt et L'hallali, voici donc Ceux de la glèbe. Une édition numérique disponible dans toutes les bonnes librairies, au prix modique de 1,99 €.
Quand il publie, en 1889, les nouvelles de Ceux de la glèbe, Camille Lemonnier n’est plus, depuis quelques années déjà, un inconnu. Philippe Gille signale, dans Le Figaro du 6 février, un livre qu’il a peut-être feuilleté distraitement – il n’y compte que six nouvelles, alors qu’il y en a sept –, comptant probablement sur la notoriété de l’auteur pour s’épargner une lecture plus fouillée. Ces nouvelles sont, se contente-t-il de dire, « écrites avec la haute couleur, la franchise, j’allais dire la brutalité des œuvres de ce romancier de grand talent. » Fermez le ban.
Le Livre y consacre, le 10 mars, un article plus consistant : « Il y a une singulière poésie dans la Genèse, la nouvelle qui ouvre le nouveau volume de Camille Lemonnier ; on y sent comme un reflet de la Bible, une Bible moderne, au langage plus rapproché de nous ; la figure de la vieille Ka, enfantant sans cesse pour peupler la terre, a une allure grandiose qui impressionne et saisit. Tout le livre est composé d’études puissantes sur les gens de la terre, ceux qui en vivent, ceux qui se la disputent jusqu’au crime, ceux qui la fouillent de l’outil et des ongles pour en tirer le pain de chaque jour ; mélange de tragique et de comique, peignant, sans adoucissement, les êtres rudes, aussi rudes qu’ils le sont, le volume va toujours, sans pitié, sans pruderie hypocrite, déroulant sa grasse et vivante peinture de l’humanité des champs. On y retrouvera les qualités de force et de sincérité qui ont fait de Camille Lemonnier le chef de l’École naturaliste belge. »
Belge ? Oui, et revendiqué par la langue que parlent plusieurs personnages. Elle est très éloignée du français châtié accessible à Albert Cim qui, dans Le Radical du 5 mars, a bien compté sept nouvelles mais pour en souligner les excès, en particulier quand il s’y sent perdu : « Il y a ici une telle profusion de mots patois, de termes bizarres, inconnus à la langue courante et à tous nos dictionnaires, qu’on finit par n’y plus rien comprendre. C’est – je veux bien le croire ! – du patois flamand qu’on a sous les yeux, mais pour sûr ce n’est pas du français. Puisque la première et indispensable qualité de tout homme qui parle ou qui écrit est de se faire comprendre, ces sortes de livres, dont je ne méconnais d’ailleurs pas les mérites et les attraits, devraient rigoureusement être terminés par un glossaire. Sans cela, autant ouvrir un volume de chinois ou de persan. »
Dans la même collection
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Camille Lemonnier. L’hallali
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