" Les huitres, c'est monsieur " ! " La lotte, c'est le jeune homme ! ", " les bulots, c'est la demoiselle ! ". Pour le show rituel de fin d'année, elles sont deux, ce matin à la poissonnerie ! Il est tôt mais les invités sont nombreux... Derrière les bulles et le rideau de l'aquarium, c'est la nuit du réveillon qu'ils préparent.
Sur des lits de glaçons, des plages de faux galets, coquillages, poissons et crustacés sont en représentation et jouent dans la tempête. Scintillements factices, lumières faussement aquatiques : entraînés par un nouveau courant, ces acteurs tremblent et s'électrisent et se donnent en spectacle. Et de l'autre côté de l'aquarium, observent les yeux mi-clos le double spectacle de la dernière marée.
Les bars argentés allument leurs écailles . Ils sont en ligne avec daurades et saumons sauvages qui appellent du large. Des soles un peu grises tournent mal sous le soleil absent. Les langoustines gourgandines claquent nerveusement des pattes. Roses d'excitation, les crevettes et les gambas lèvent les gambettes. Sous leur costume d'algue, faces rougeaudes, les crabes cuits d'avance et pince sans rire ouvrent un œil vicieux. Les coquines coquilles Saint Jacques sortent du chemin et finissent la pénitence. La perle n'est plus dans l'huitre mais à l'oreille d'une anguille aux cheveux flous qui coule un mot tendre à l'oreille de son compagnon. Et l'autre ouvre la coquille de son portefeuille, se plaint d'une voix sourde : " comme tout cela coûte cher ! Le homard m'a tué ! ".
Il faut passer à la caisse. Et dans la file d'attente, les deux voix s'impatientent " le maquereau, c'est monsieur ! ", " la morue, c'est la dame ! "