Les gens dans l’enveloppe c’est une expérience étrange de lecture, la 1ere partie c’est le roman à proprement parlé et la 2e une enquête et le récit du carnet de d’écriture de l’auteur et de la confection d’un CD.
La romancière a écrit une fiction à partir d’une série de photos de famille qu’elle a achetée sur Internet. Elle a décidé dès le départ de composer 2 parties à son livre avec d’un côté la fiction et de l’autre la réalité.
Dans le roman on suit Laurence, petite fille puis jeune femme qui se retrouve seule avec son père Serge, après le départ soudain de sa mère. Serge ouvrier à l’usine proche de sa famille et qui a toujours vécu à la campagne est follement amoureux de sa femme Michèle Elle qui rêve d’aventures et de quitter cette vie tranquille. Enfin on a la grand-mère surnommée « Mamie Poulet », Simone qui devient la confidente de sa petite fille quand celle-ci est à l’âge adulte et lui envoie des lettres.
Ces 3 générations de femme ont des destins blessés, marqués par l’abandon, la douleur, l’absence. Un silence glaçant qui les entoure. La mère Michèle est obnubilée par l’envie de vivre ; la grand-mère se terre dans le silence de la vieillesse et la jeune fille Laurence peu à peu découvre la vie et s’émancipe du poids de l’absence et de l’abandon. Ces trajectoires sont rejointes par des personnages secondaires, la tante coureuse de fond, Horacio le bel argentin qui va bouleverser le destin de la mère. La nature est omniprésente comme la mort, le silence, l’ennui. La violence, la torture sont aussi évoquées dans les dernières parties du roman. L’eau, les fleuves sont au cœur du récit et prennent une symbolique particulière, un fil conducteur qui irrigue ces vies.
Le style de l’auteur est très poétique, fait d’image, d’associations et on suit l’évolution des personnages au fil des ans, on découvre à chaque fois les secrets, envies et la vie de ces femmes comme vous et moi. Les calligrammes de la petite fille Laurence sont très jolis et attendrissants. Cette première partie est très riche, envoutante, parfois énigmatique notamment pour la grand-mère ou la mère dont on ne perce pas tous les secrets. Elle fait réfléchir à notre condition humaine, nos envies, désirs. J’ai apprécié le personnage de Laurence et de sa mère, elles m’ont particulièrement touché.
Dans la 2e partie, les barrières s’abolissent et on découvre l’histoire des vrais gens dans l’enveloppe. J’ai été perdue par la généalogie de la famille, j’ai eu du mal à m’intéresser à leur vie, aux quelques souvenirs difficilement arrachés après le récit si émouvant. L’auteur se livre aussi, parle en pointillé de sa famille, sa sœur, j’aurais aimé qu’elle se dévoile plus par moment mais par pudeur sans doute, elle ne va plus loin. La dernière partie de l’enquête avec les rencontres avec Michel, Laurence qui s’appelle vraiment Laurence, Suzanne qui correspond à Michelle et qui elle aussi est partie, la création du disque m’ont davantage plu. Notamment cette histoire du père de famille Michel qui vit abandon sur abandon. Donc cette partie est plus inégale et contraste avec la force du récit, de la fiction. Sauf quand elle évoque Serge dont la destinée est digne d’un personnage de roman. Je comprends le projet de l’auteur mais peut être qu’un livre à part aurait plus rendus justice aux gens dans l’enveloppe. La volonté de l’auteur de capturer pour rendre éternel ces petits instants, la vie des vrais gens sans donner dans le folklore est ambitieuse et difficile à tenir au début. Elle réussit mieux à la fin. Le disque restitue bien les émotions des personnages et la découverte des vraies voix sont émouvantes.
Mais pour la force d’évocation de l’auteur, les passages poétiques, la magie du temps qui passe, cette expression des sentiments, de la solitude, de l’abandon réel et fictif ; il faut lire ce roman. Donc laissez reprendre vie aux gens dans l’enveloppe et bercer par la ritournelle et la poésie de l’auteur et des chansons d’Alex Beaupain.