D'un côté, la FinTech est l'objet de toutes les attentions (voire des fantasmes), de l'autre, les banques nous répètent que leurs clients leur restent indéfectiblement fidèles… Qu'en est-il réellement ? Une enquête pragmatique du cabinet EY auprès de plus de 10 000 personnes nous offre une bonne occasion de remettre les pendules à l'heure.
Pour une fois, il n'est pas ici question d'impression, d'opinion ou de perception : le premier objectif, direct et concret, du sondage est de mesurer quel est le niveau d'usage effectif des solutions de la FinTech par des consommateurs de Singapour, de Hong Kong, d'Australie, du Canada, des États-Unis et du Royaume-Uni. Et leur réponse est parfaitement claire, et certainement édifiante : en moyenne, 15,5% d'entre eux ont eu recours à au moins deux produits qualifiés au cours des 6 derniers mois !
Certes, et cela rend l'absence de la France du panel d'autant plus regrettable, les disparités géographiques sont extrêmement importantes, le taux variant entre à peine plus de 8% pour le Canada et presque 30% pour Hong Kong, avec les États-Unis et l'Angleterre aux alentours de la moyenne. Des facteurs culturels entrent peut-être en ligne de compte mais je soupçonne que ces écarts sont surtout dus aux différences d'exposition des clients aux offres des nouveaux entrants de la finance.
D'ailleurs la principale raison invoquée par ceux qui n'utilisent pas de produits de la FinTech est leur méconnaissance de ces solutions (au total, plus de la moitié des répondants), tandis que la préférence pour les acteurs traditionnels n'est citée que par 28%. Comme, de surcroît, la confiance ne semble pas constituer un obstacle majeur à l'adoption (seulement 11% de l'échantillon exprime une crainte en la matière), l'avenir a toutes les chances de sourire aux innovateurs, ce que confirment aussi les projections.
En termes démographiques, les segments jeunes (notamment les 25-34 ans) sont logiquement les plus séduits par la FinTech. Un peu plus étonnant, les populations aisées ont déjà massivement absorbé le phénomène (plus de la moitié des moins de 55 ans disposant de plus de 150 000 USD de revenus ont utilisé 2 produits) ! En réalité, les domaines les plus en vogue justifient probablement ce mouvement : en dehors des paiements, c'est surtout l'investissement qui est aujourd'hui attaqué par la FinTech.
Autre idée reçue sévèrement battue en brèche, le choix d'une alternative aux circuits traditionnels n'est motivé par des conditions financières plus attractives que par 15% de ses adeptes, quand la facilité à ouvrir un compte représente le premier critère de sélection pour plus de 4 sondés sur 10 ! Les processus longs, complexes et coûteux, imposant souvent un rendez-vous en face à face, ne font donc résolument pas le poids en comparaison des entrées en relation en ligne, finalisées en quelques clics.
Alors, oui, les institutions financières historiques peuvent continuer à croire à leurs propres enquêtes de satisfaction, confirmant, selon elles, la préférence persistante de leur clientèle pour leurs vieilles méthodes. Elles risquent cependant de tomber de haut lorsque les jeunes citadins les plus nantis (et les plus rentables) – bientôt suivis par d'autres catégories de consommateurs – commenceront à les quitter pour des barbares de plus en plus visibles, qui auront mieux compris leurs attentes…