La variante chilienne de Pierre Raufast 4,5/5 (28-12-2015)
La variante chilienne (262 pages) est disponible depuis le 20 août 2015 aux Editions Alma.
L’histoire (éditeur) :
Il était une fois un homme qui rangeait ses souvenirs dans des bocaux.
Chaque caillou qu’il y dépose correspond à un évènement de sa vie. Deux vacanciers, réfugiés pour l’été au fond d’une vallée, le rencontrent par hasard. Rapidement des liens d’amitiés se tissent au fur et à mesure que Florin puise ses petits cailloux dans les bocaux. À Margaux, l’adolescente éprise de poésie et à Pascal le professeur revenu de tout, il raconte. L’histoire du village noyé de pluie pendant des années, celle du potier qui voulait retrouver la voix de Clovis dans un vase, celle de la piscine transformée en potager ou encore des pieds nickelés qui se servaient d’un cimetière pour trafiquer.
Mon avis :
Fini l’année 2015 par d’excellentes lectures et enchaîner les très bons moments livresques ( Celles de la rivière, Dans le désordre (je vous en reparle très vite), Le liseur du 6h27 et maintenant le petit dernier de Pierre Raufast) c’est presque jouissif !
Comme pour La Fractales des raviolis, Pierre Raufast fait preuve encore une fois d’un chouette talent d’inventivité et use d’un style qui entraîne automatiquement l’addiction et le goût des jolis mots et des plaisirs simples. Et pourtant, il n’est pas question de jolies pâquerettes dans la vallée de Chantebrie et de belles rencontres et de vacances paisibles dans ce petit village reculé de Saint Just sur Hamac. En fait, si un peu, mais pas seulement car il est surtout question d’histoireS avec un moins quinze S à la fin.
Oui, il est bien question de Monsieur Raufast quand même, et pour ceux qui ont déjà lu La fractale des raviolis vous savez que l’auteur est, dans le style poupées russes, un narrateur hors pair. Il n’use pas tout à fait de la même mécanique ici, mais soyez rassurés, La Variante chilienne n’en demeure pas moins un bon, très bon livre et les histoires, les anecdotes et quelques détails de l’Histoire s’enchaînent encore avec brio.
Tout se succède avec cohérence et simplicité. Vous entrez dans la vie de Pascal et de Margaux et vous en ressortez riches de milles histoires et aventures. J’aurais envie de vous en raconter quelques unes mais encore une fois ça gâcherait le plaisir à venir (parce que forcément vous allez très vite vous procurer cette variante chilienne pour savoir ce dont je parle). Je vous dirai juste que Pascal, prof de littérature de 57 ans, emmène avec lui secrètement en vacances la fille d’un collègue, Margaux 17 ans, qui ne va pas très bien. Ils vont rapidement sympathiser avec Florin, le voisin soixantenaire, fumeur de pipes et collectionneur de cailloux, avec qui au fil des rencontres il vont partager un peu (beaucoup) de leur vie et tisser une belle amitié….
Fidèle à ce qui a fait de son premier roman un phénomène surprenant et parfaitement maîtrisé : la digression, l’auteur ne manque pas de nos divertir par de nouvelles histoires dans l’histoire (dans l’histoire). On commence donc avec Pascal, puis c’est la vie de Florin qui est contée, que celle de l’avocat vient interrompre avec son barreau et ses romans à l’eau de roses. Puis de fil en aiguille, ou plutôt de pierre en caillou, c’est au tour du colonel et de son hélico… oh, mais je vous en dis déjà trop !!!!
J’ai adoré partager ces destins, croiser ces chemins et découvrir ce collectionneur de cailloux. Et même si tout n’est pas rose, l’envie de n’en conserver que le bon et l’agréable, de ne voir que le positif et de garder le sourire ont dominé cette lecture très très très agréable !!!!!
La variante chilienne est à la fois fantaisie et réflexion sur la mémoire (ce qu’on fait des souvenirs) et le temps qui passe. Mais c’est aussi et surtout un univers riche de mille tableaux que Pierre Raufast nous dévoile avec un merveilleux talent.
"Les si dont des carrefours invisibles dont l'importance se manifeste trop tard." Page 104
"J'ai l'impression que les malheurs passés hypothèquent les bonheurs futurs. Florin, lui, peut jeter les cailloux indésirables. Il a de la chance. Mes souvenirs à moi sont des boulets qu'il faut que je traîne. La différence est énorme. Mon triste passé a une telle inertie qu'il fait de l'ombre à mon futur. Je me pose sincèrement la question : "L'homme peut-il devenir heureux quand il a été malheureux toute sa vie ?" Tout est ancrage. Il me faut m'en défaire." Page 208
Merci à Price Minister pour cette lecture #MRL15