Le mal-être ou la souffrance n'est pas forcément visible et mesurable. Il y a une catégorie de personnes, si tant est que l'on puisse les catégoriser, qui souffrent en silence : les enfants issus de la procréation assistée grâce aux dons de sperme. En France, la loi de bioéthique de 1994 réglemente le don. C'est un acte volontaire et gratuit, le donneur, en bonne santé, doit avoir moins de 45 ans et seul un couple peut en bénéficier.
Ce qui est en cause c'est que le don de sperme est anonyme et selon ce principe, les enfants ne peuvent connaître le nom de leur père et vivrent toute leur vie avec cette absence dans l'arbre généalogique. Mais, ces enfants, aujourd'hui, voudraient que ça change. Ils estiment avoir le droit de savoir, il manque une partie affective. L'enfant exprime le besoin de connaître son histoire pour mieux appréhender son avenir. Et puis, il est aussi parfois nécessaire au cours de la vie d'un enfant d'identifier les antécédents médicaux transmis génétiquement. Cela pose toutefois quelques problèmes.
D'abord, le principe de l'anonymat permet le don. Les hommes préfèrent rester inconnus et ne pas se retrouver un matin en face d'un enfant qui débarquerait sur le pas de la porte en criant "papa !". Ces hommes ont par ailleurs une femme et des enfants qui n'ont pas à être mêlés à ça. Il règnerait une certain malaise avec cette intrus inopiné.
Ensuite, de ne plus être anonyme risque de faire baisser le nombre de dons et donc de possibilité pour un couple dont l'homme ne peut engendrer d'avoir la possibilité et le choix de le faire. L'adoption étant un processus long et à l'issue incertaine, cette alternative est plus accessible et moins coûteuse. Il y a tant de gens en manque d'enfants.
Autre aspect non négligeable, l'impact psychologique. Découvrir son géniteur au risque d'être traumatisé à vie car ce père tant imaginé, tant idéalisé, pourrait être bien différent dans la réalité. Un père qui peut connaître un parcours de vie chaotique. Qui sait ? Comment être sûr que son père n'est pas un criminel recherché ou une célébrité, qui, pour le coup, souhaite rester anonyme ?
D'autres pays européens ont supprimé l'anonymat : Allemagne, Autriche, Suède, Suisse, Pays-Bas et Grande-Bretagne (où, malgré ça, le nombre de donneurs a augmenté). Pour résoudre cet épineux problème, que mettre dans la balance pour trouver une solution juste et consensuelle ? Faut-il favoriser les enfants ou les donneurs ?
Pourquoi ne pas couper la gamète en deux et conserver l'anonymat pour les donneurs qui en font la demande ? En extrapolant, même si le don est limité pour un donneur, comment éviter que deux personnes nées du même père inconnu ne se trouvent en couple, avec les risques que comporte la naissance d'un enfant dont les parents sont du même sang ? Dans ce cas là, il vaudrait mieux connaître les origines.
Pour finir sur une note positive, la levée de l'anonymat pourrait être une opportunité formidable pour réunir les gens et recomposer des familles. Se retrouver entre frères et sœurs pour passer des moments et se fabriquer des souvenirs. Pourquoi pas lutter contre la solitude en se découvrant un frère, un cousin ou un père ? Comme tout ce qui touche au médical et au droit, la solution trouvée débouchera sans doute sur des généralités à adapter au cas par cas. Le débat a encore de beaux jours devant lui.