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Marguerite Yourcenar défendait les animaux

Publié le 30 décembre 2015 par Brunetisa

Marguerite Yourcenar défendait les animaux

Voici un extrait du livre de M arguerite Yourcenar, Les yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey, dans lequel cette grande femme de lettres, romancière, poète, essayiste, traductrice, critique littéraire, académicienne, défend ardemment les animaux.

"Je trouve atroce d'avoir à penser chaque année, vers la fin de l'hiver, au moment où les mères phoques mettent bas sur la banquise, que ce grand travail naturel s'accomplit au profit d'immédiats massacres, tout comme je ne nourris pas les tourterelles dans mon bois sans penser que soixante millions d'entre elles tomberont cet automne sous les coups des chasseurs. Il faut " limiter la prolifération des espèces ", comme disent les gens qui ne songent jamais à limiter la leur. Jusqu'à un certain point, nous sommes tous d'accord, mais je songe aux millions de pigeons migrateurs qui couvraient de leur vol le ciel des États-Unis : c'est une espèce aujourd'hui éteinte, dont il ne subsiste qu'un misérable spécimen empaillé, dans un musée de la Nouvelle-Angleterre, le reste s'étant changé en fricassées et en plumes de chapeaux.

Je me dis souvent que si nous n'avions pas accepté, depuis des générations, de voir étouffer les animaux dans des wagons à bestiaux, ou s'y briser les pattes comme il arrive à tant de vaches ou de chevaux, envoyés à l'abattoir dans des conditions absolument inhumaines, personne, pas même les soldats chargés de les convoyer, n'auraient supporté les wagons plombés des années 1940-1945.[...]

Et sous les splendides couleurs de l'automne, quand je vois sortir de sa voiture, à la lisière d'un bois pour s'épargner la peine de marcher, un individu chaudement enveloppé dans un vêtement imperméable avec une " pint " de whisky dans la poche du pantalon et une carabine à lunette pour mieux épier les animaux dont il rapportera le soir la dépouille sanglante, attachée sur son capot, je me dis que ce brave homme, peut-être bon mari, bon père ou bon fils, se prépare sans le savoir aux " Mylaï " [village vietnamien dont la population fut massacrée par un détachement américain]. En tout cas, ce n'est plus un " homo sapiens "".


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