Irish doubt

Publié le 11 juin 2008 par Careagit
"La bas, au Conemara, on n'accepte pas, la paix des Gallois, ni celle des Rois d'Angleterre..."
A ce célèbre vers si bien chanté par Michel Sardou, nous pourrions y ajouter "et encore moins l'Europe". Demain devrait être en effet un des jours les plus stressant pour les responsables politiques européens. Pour une fois, il faut avouer que c'est assez jouissif de ressentir la pression exercée par le peuple sur les dirigeants. Le mini traité est présenté sur la place publique, entre les mains du peuple Irlandais qui cristallise à la fois tous les espoirs des nonistes - particulièrement les français - mais aussi toutes les peurs des tenants du traité de Lisbonne. A ce jour les dernières enquêtes d'opinions révèlent une Irlande fragmentée en trois camps. Le premier tiers semble clairement euro sceptique lorsque les deux autres regroupent les tenants d'un Oui et les indécis. Les paris restent véritablement ouverts et les options plurielles. Et pourtant au regard de l'histoire Irlandaise, c'est un véritable paradoxe que d'envisager un vote à majorité de "non". Car ce pays reste l'une des plus belles réussites des politiques européennes. Dans les années 90 - 00, la formidable croissance (+10,5%) économique a porté le pays vers un nouveau statut. Résultat, Eurostat place aujourd'hui l'Irlande au troisième rang du classement des pays au plus fort PIB par habitants. Il y a 16 années, elle occupait le 12ème rang. De plus l'intégration dans l'Euroland eu pour principale conséquence de créer un réel appel d'air (notamment fiscal) pour les entreprises et les jeunes diplômés européens. Il y a encore peu de temps, tous les jeunes européens se pressaient sur les côtes, attiré par la perspective d'un marché du travail flexible (taux de chômage de 4,6%) et rémunérateur, le tout dans un pays plus dynamique que son ancien ennemi Anglais.
Ce développement économique sans nulle autre pareille en Europe trouve sa genèse dans l'attrait démographique retrouvé d'un pays auparavant boudé. En 2006 par exemple, près de 15% de la population provenait d'Europe (Angleterre ou Pays de l'Est) rajeunissant que plus la pyramide des âges et dynamisant le pays.
Pourtant le rejet du concept même d'Europe semble devenir au fil du temps une constante chez le "Tigre Celte". En 2001 déjà, les Irlandais repoussaient de la main le traité de Nice avec une participation (32%) qui en dit long sur l'intéressement à la chose européenne. 7 années plus tard, l'histoire semble se répéter. Au delà des éternels mélanges entre politiques intérieures et questions européennes, le scepticisme généralisé partout sur le continent est selon moi l'une des victimes collatérales de la mondialisation. Depuis 20 ans, l'ensemble des modèles économiques(entreprises, flux commerciaux) se sont précipités dans la course à la globalisation et s'adaptant le plus rapidement possibles aux nouvelles contraintes. Beaucoup plus lent et lourd, les modèles sociaux de chacun de nos pays n'ont que peu suivi la cadence, n'agrandissant que plus l'écart déjà énorme entre la sphère économique et politique. Perdant au fil du temps la main sur la chose économique, le pouvoir politique se retrouve désormais coincé entre les toussotements de l'énorme machine mondiale et les attentes toujours plus fortes de ses citoyens. Dans ce constant climat d'incertitudes et de peurs, les Etats et les concitoyens laissent ainsi transparaître des comportements protectionnistes de repli sur soi, préférant défendre les acquis nationaux que de se laisser tenté par l'avenir quitte à y laisser quelques plumes.
C'est dans cette optique que l'Union Européenne n'échappera pas à une pause voulue ou contrainte et à un recentrage sur le développement de ces institutions politiques. L'ennui dans cela reste qu'il faut bien se doter du traité de Lisbonne pour pouvoir poursuivre le prolongement du rêve de Monnet...
Demain soir, à défaut d'autres choses, il nous restera au moins la Guinness, sans compter que c'est la France qui prendra le contrôle du corps sans tête dès Juillet prochain. Décidement quoi qu'on fasse...
Lire Pierre Catalan