Suite des épisodes 1, 2 et 3. Ensuite je passe la balle à Eddou3aji.
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Elle se fraya un chemin dans la pénombre de la pièce en essayant de faire le moins de bruit possible. Les clés lui tombèrent des mains lorsqu'elle essayait de les placer à tâtons sur la table de nuit.
« Quoi ? ». Son mari se réveilla. Sa voix était alourdie par le sommeil. Elle ne pouvait pas voir s'il avait les yeux ouverts ou pas.
« Rien, j'ai juste fait tomber les clés ».Elle était trop nerveuse. Sa voix grasseyait. Cet amas immobile en face d'elle avait quelque chose d'inhumain. Pour la première fois elle se demandait à quel point elle serait capable de le détester.
- Quelles clés ?
- Celles de la voiture.
- La voiture, à cette heure ?
Toujours immobile, toujours avec sa voix ténébreuse et monotone, il ne lui inspirait que mépris et dégoût. Elle s'éclaircit la voix puis résuma ce qui lui venait d'arriver :
- Je suis allée m'acheter des clopes. La voiture n'a pas redémarré. Un policier en patrouille m'a repêchée et m'a ramenée ici.
Après un moment de silence, la voix lui lança sur un ton neutre :
- ça t'apprendra.
Et il se tourna de l'autre côté dans le lit. Il était clair qu'il ne voulait pas en savoir davantage. Son sommeil était plus cher que tout.
La rage l'a prise de la tête aux pieds. Voilà que son mari ne daigne pas lui parler deux minutes pour savoir où elle était et qu'est ce qui lui est arrivé. Elle se sentit humiliée, abandonnée, rabaissée. Elle avait envie de le tuer sur-le-champ, l'étouffer et en finir une fois pour toutes.
Elle alla dans la salle de bain. D'une main tremblante elle alluma une cigarette. Elle se regarda dans le miroir et éclata en sanglots. « Le salop ! Le connard ! Il me prend pour de la merde ce fils de pute ! ». Elle se dit qu'elle avait raison d'avoir pris sa revanche avec ce jeune policier. Un vieux fantasme s'était enfin réalisé. Son image dans le miroir était brouillée par les larmes. Elle y voyait son visage d'il y a dix ans, lorsqu'elle était encore adolescente. Elle pansa à son cousin dont elle était éperdument amoureuse. Il était devenu policier lorsqu'elle était encore au lycée et pendant plusieurs années, chaque fois qu'elle le voyait en uniforme elle était incapable de dormir la nuit.
Ce soir le jeune policier lui rappela son cousin. Son air jovial, presque innocent, son visage doux, la manière dont il s'est excusé ... tout ça avait un air de déjà-vu. Tout ça n'était qu'un strict retour des choses : son cousin tant désiré (marié depuis et parti vivre dans une autre ville) s'est réincarné. Il aurait été stupide de laisser filer cette chance.
Après tout, que vaut cette tromperie face aux aventures multiples de son mari ? Que vaut ce « geste de remerciement » devant des années d'humiliations ? Garder son honneur pour un mari qui la trompe avec la première qui passe et qui se contre-fout de savoir si elle a failli se faire violer au milieu de la nuit ? Pure foutaise ! ça fait longtemps qu'elle y pense, et ce soir-là l'occasion s'est présentée. Ce n'était ni prémédité, ni programmé, mais au moment où elle était dans la voiture l'idée de coucher avec lui parassait comme la plus éclatantes des évidences.
Le chien entra dans la salle de bain. Il la regarda un moment. Elle se demanda s'il se doutait un peu de ce qui s'est passé dans la cabane. Elle se dit que cette petite bête a entendu ses paroles lorsqu'elle demanda au jeune policier : "vas-y prends moi ! Ici, tout de suite". Pourquoi elle l'a fait ? Comment elle a osé ?
En vérité, elle avait besoin de se convaincre qu'elle pouvait aussi tromper. Elle avait besoin de démontrer à elle-même que c'est par conviction morale qu'elle s'est abstenue de le faire. Et jusqu'au moment où elle a posé la main sur le genou du jeune policier, elle ne savait pas si elle était capable d'aller jusqu'au bout.
Le temps passa, elle fuma encore des cigarettes, regarda ses orteils, puis suivit longtemps le vol d'un insecte autour de la lampe par dessus l'évier. Sa rage s'est tarie peu à peu. Elle était prête pour recommencer de nouveau un autre tour de vengeance. Elle griffonna sur un bout de papier « N'oublie pas de téléphoner au commissariat pour remercier personnellement l'agent M. (...). Je m'occupe de ramener la voiture dans la journée. ». De retour dans la chambre à coucher, elle glissa le papier dans la poche de la chemise de son mari. Elle se glissa dans le lit et ferma les yeux.
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Maintenant la balle est dans le camp de Eddou3aji, s'il veut bien participer