Je me suis trompé dans mon billet précédent, Déchéance, en disant qu’une simple loi suffirait pour instituer une nouvelle peine, la perte sous certaines conditions de la nationalité. En effet, comme une telle loi ne serait pas conforme à la Constitution, nos dirigeants se voient contraints de modifier celle-ci. Ils semblent vouloir imiter la plupart d’entre nous : quand nous ne pouvons plus accorder notre conduite avec nos principes, nous modifions nos principes pour les rendre compatibles avec notre conduite.
J’ai aussi du mal à comprendre l’efficacité d’un tel coup porté aux valeurs de notre État qui, depuis 1789, a inscrit dans chaque Constitution les Droits de l’homme. Pense-t-on réellement que le risque de perdre la nationalité française puisse dissuader des aspirants terroristes de commettre leurs crimes ? Quel effet ce texte aurait-il sur des individus qui brûlent publiquement leurs passeports français ? Croit-on aussi que des personnes déterminées à se suicider en commettant leurs forfaits soient sensibles à la moindre menace de châtiment ?
Je ne parviens pas à imaginer comment, quand on s’appelle Ciotti, Estrosi ou Valls, on peut dénaturer un texte qui lui vaut d’être partie intégrante de notre communauté nationale. C’est peut-être Claude Bartolone qui a donné la clé de cette proposition, en déclarant au micro d’Europe 1 le 4 décembre : « Le président de la République a voulu avant tout, dans le cadre de l'union nationale, prendre des propositions qui viennent de la droite ». Marianne nous rapporte ce propos de Jean-Louis Bourlanges, ancien député européen : « François Hollande parle à la droite, Alain Juppé parle à la gauche, Nicolas Sarkozy parle à l’extrême-droite. Et Martine Le Pen parle à l’extrême-gauche ». Analyse outrée ou hélas trop lucide ? Peut-on à ce point mêler notre loi fondamentale à des combinaisons de basse politique ?