रूपंदृश्यंलोचनंदृक्तद्दृश्यंदृक्तुमानसम्।
दृश्याधीवृत्त्यस्साक्षीदृगेवनतुदृश्यते॥१
Extrait du drig-drishya-viveka
rūpaṃ dṛśyaṃ locanaṃ dṛk taddṛśyaṃ dṛk tu mānasam |
dṛśyā dhīvṛttyas sākṣī dṛg eva na tu dṛśyate || 1 ||
La forme est observable, l'œil est ce qui observe ; celui-ci est observé, la pensée est l’observatrice.
Les modifications de la pensée sont observables ; le Témoin est en vérité l’observateur mais lui, il n'est pas observé.
Ce premier shloka montre comment on peut remonter de ce qui est observé à celui qui observe ultimement, c’est-à-dire le Soi. Il établit en quelques mots le chemin pour atteindre la libération ultime par une distinction, une discrimination, entre l’observable et l’observateur. Cette voie est celle de la connaissance et nous mène rapidement et directement à la Réalité absolue : le Témoin.
Le registre utilisé ici est celui de la vue et de la vision mais vaut pour tous les organes des sens et pour tous les objets perçus. « Un goût est senti, la langue est ce qui sent mais etc… »
Le mot sākṣī, le témoin, est construit sur une racine verbale signifiant « l’œil » : akṣaḥ, sa-akṣaḥ signifie « avec un œil » ; sa-akṣin : « étant pourvu d’un œil » ; le Témoin est donc le Voyant suprême présent en tous les êtres.
L’observable n’est pas conscient, il est inerte ; l’observateur seul est conscient.
Ce Témoin désigne l’atman, le Soi absolu ; connaître cet absolu est le but de la quête. On pourrait bien sûr demander ici ce qui perçoit le Témoin ; ne faut-il pas remonter encore en amont ? Mais cette régression nous conduirait à l’infini et aucune conscience ne serait alors possible. En fait, le Soi est conscient de lui-même comme une lampe éclaire la pièce et s’éclaire elle-même (analogie fréquente dans l’advaita vedanta). Le Voyant ultime ne peut jamais être vu à la manière d’un objet, mais il peut être connu par une intuition d’un autre type, par une connaissance non-duelle, hors de la relation sujet/objet.
José Le Roy
Traduction complète et commentaire à paraitre en avril 2016, aux éditions ALmora.