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Même si le temps me manque, il me faut jeter sur papier mes impressions après cette lecture du roman de Jean-Paul Didierlaurent. Ces impressions, ces sensations après lecture sont tellement fugaces, que déjà, une semaine après la lecture on réinvente l’histoire. Je vous proposerai tout d’abord un préambule.Mes chroniques se sont faites un peu plus rares cette année en raison d’une passionnante formation que j’ai menée en parallèle de mon travail et de mes lectures. L’homme pas dieu, dit Frankito. Et comme une journée n’est faite que de 24 heures… Je ne peux donc que remercier avec beaucoup d’empressement Vincente Duchel-Clergeau, Pénélope Zang MBa, Ndack Kane, Jean Michel Nzikou et Emmanuel Goujon qui ont enrichi durant l’année le blog de leurs très belles chroniques. Comme, je l’ai souligné, Chez Gangoueus devient un blog collaboratif.
Toujours dans ce préambule démesuré et pour revenir sur Le liseur du 6h27, je veux remercier Violaine Vaubourgoin qui m’a proposé avec beaucoup de bienveillance la lecture de ce roman. Jamais recommandation n’a été aussi juste. Je m’en expliquerai en vous présentant le livre. C’est l’occasion pour moi de saluer la promotion #Geektamère du MBAMCI avec laquelle j’ai de nouveau essuyé les bancs de l’école et appris plein de passionnantes choses. Les rencontres que j'y ai faites pendant les cas pratiques, les apartés, les pauses déjeuners ne sont pas très différentes de celles que fait Guylain Vignolles après avoir osé lire en public et passer des mots tous les matins dans un train de banlieue.
Je connaissais ce roman. En fait, Jean-Paul Didierlaurent est passé l’an dernier à la Grande librairie , sur France 5 avec un autre auteur que j’apprécie, le congolais Jean Bofane. Ils ont tous les deux le mérite d’avoir écrit des histoires touchantes, délicieuses avec humour, fantaisie et distance. Pour le prosateur bressan, son personnage Guylain Vignolles est l’antihéros par excellence. Ses parents se sont acharnés pour lui trouver un prénom qui le fasse passer pour un vilain guignol et il a porté ce fardeau pendant des années. C’est un être solitaire qui travaille dans un entrepôt où un pilon détruit méthodiquement les ouvrages invendus à peine deux, trois mois après leurs parutions. C’est le premier délice de ce roman. Avoir une idée, une représentation de cette réelle machine de destruction massive. Cette machine est à l’édition, ce que les usines de retraitement des eaux usées sont pour les grandes villes. Souvent, on est bien content de savoir que les égouts fonctionnent et participent à l’assainissement de la ville. Mais on n’a pas trop envie de savoir comment tout cela fonctionne. Ici il s’agit de livres invendus. Guylain entre en résistance contre la chose. Il arrache des pages d’ouvrages qui vont être broyés pour les lire le lendemain matin, dans la rame de RER qui le ramène au boulot, le train de 6h27.
La machine est allemande. Zerstör 500. Et le second degré est poussé jusqu’à faire un parallèle avec la shoah. Est-ce excessif ? En tout cas, par ses faibles moyens, le personnage tente de faire face à cette aberration et se transforme en passeur de mots. C’est le deuxième délice. Peut-être qui a stimulé Violaine à me proposer cette lecture. Je me retrouve dans cette aventure improbable où le premier pas vous conduit vers des rencontres inattendues mais ô combien riches et stimulantes. Le final est hollywoodien. En ces temps sinistres, il est bon d’avoir des un peu d’air frais avec ce type d’ouvrage.
La Chose était née pour broyer, aplatir, piler, écrabouiller, déchirer, lacérer, déchiqueter, malaxer, pétrir, ébouillanter. Mais la meilleure définition qu'il eît jamais entendue restait celle que le vieux Giuseppe se plaisait à gueuler lorsque le mauvais vin qu'il ingurgitait à longueur de journée n'avait pas suffi à éteindre la haine viscérale qu'il avait emmagasinée au fil des ans envers la Zerstor 500: ça génocidep.24-25, Collection Folio
Jean-Paul Didierlaurent offre une très belle réflexion sur le monde du livre, sur la littérature. Si ce roman est plein de bons sentiments, il est aussi une occasion de réfléchir sur des choses plus importantes. Je mesure en particulier combien les auteurs francophones échappent à cette guillotine des temps modernes qui dictent la durée de vie physique des œuvres littéraires n’ayant pas séduites après deux semaines d’exposition chez les libraires. Un cycle de vie qui peut être remis en cause grâce à l’édition numérique.
Jean-Paul Didierlaurent, Le liseur du 6h27Editions Gallimard, collection Folio, 184 pages