PARIS, par Charles-Éric Perrin Gimet
Comme à notre habitude et à la manière, encore, de tant d’autres parisiens, on file au Théâtre de Poche Montparnasse pour assister à la représentation d’une pièce écrite en 1960 par Harold PINTER et aujourd’ hui mise en scène par Christophe GAND : « Le monte-plats ».
On ne s’en cache pas, dans le paysage actuel, les pièces du prix Nobel de littérature et dramaturge anglais Harold PINTER se lisent plus qu’elles ne se voient. Mené à un rythme effréné, se jouant de personnages banals pris dans leurs instants de vie ordinaire... le style Pinter est riche de ces simplicités.
Fidèle à ses principes, absurde et brute, la pièce atteint son but bien avant la fin et laisse planer avec intelligence un doute inhérent et nécessaire au spectateur qui, déjà, préfère en rire.
Ici, c’est dans le sous-sol de Théâtre de Poche, aveugle, que le huis clos prend tout son sens. Nos deux tueurs à gages attendent, désœuvrés, leur prochain contrat et n’ont pour lors que le temps à tuer...
Dépassé par l’attente dans le lit de droite, le vétéran Gus, interprété par Jacques BOUDET, ne peut s’en prendre qu’à la chasse d’eau détraquée avant de s’en retourner au gaz défectueux qui l’empêche de préparer son thé.
De l’autre côté Ben, joué par Maxime LOMBARD, feuillette sur son lit les nouvelles du jour et s’offusque de la mort d’un petit chat.
Les minutes passent, les silences se font pesants et la moindre discussion est électrique. Frustrés, ils deviennent très vite paranoïaques quand, soudain, le monte-plats fait son apparition et apporte avec lui une première commande.
L’arrivée de ce troisième personnage sans visage et pourtant figure de l’autorité est le véritable tour de force de la pièce. Brisant les codes établis, faisant aussitôt cesser les caprices et les familiarités, les deux tueurs retrouvent leurs vieux réflexes.
Ils se questionnent, interrogent, tentent de négocier mais n’obtiennent que d’autres commandes en retour. Intraitable, ce nouveau personnage symbolise avec une parfaite intention les nouveaux styles de pouvoirs déjà en action en 1960.
« Le monte-plat » est par voie d’évidence une pièce d’une rare actualité. Grâce à la mise en scène dynamique, repoussant les limites de ce sous-sol, l’écriture de Pinter est revalorisée la rendant ainsi parfaitement moderne.
Avec un juste jeu d’acteur, des déplacements précis, les jeux de lumière et de son bien placés, on imagine sans peine l’activité suspecte et intense des étages supérieurs.
Reste à signaler le choix osé du metteur en scène Christophe GAND que de faire jouer deux acteurs qui bien qu’ayant l’air dépassés par leurs rôles au premier abord, relèvent finalement aussi bien l’écriture que la pièce et son histoire.
Entre burlesque et tragique, ils assurent toujours et leur jeu parvient sans mal à nous séduire. Chapeaux les artistes !
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