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La liberté des dupes, essai de Mokhtar Sakhri

Par Mpbernet

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L’Algérie, pays de lumière, si loin, et pourtant si proche …

Pour ma génération, ancrée dans le souvenir de la seule guerre qu’elle ait connue (le mari de ma sœur aînée était mobilisé sur un point sensible de la frontière et nous attendions tous la fin du conflit, quel qu’en soit le prix à payer), l’Algérie reste une plaie mal refermée.

Sans concession, sans complaisance, Mokhtar Sakhri livre ici une histoire de son pays qui fait froid dans le dos. Tout ce qu’il raconte de la lutte pour l’indépendance, des exactions commises de deux côtés, puis de la dérive des pouvoirs publics complètement rongés par la corruption et le népotisme, entraînant la riposte islamiste …

Tout ce qui est décrit là, c’est ce qui se passe aujourd’hui à l’échelle du monde arabo-musulman. Un peu comme on devrait se souvenir du contenu du sinistre ouvrage d’Adolf Hitler « Mein Kampf » … mais que personne n’avait lu !

Ce livre a été publié en 2008. Il faut se remettre dans le contexte. Différent de celui d’aujourd’hui ? … et pourtant !

Si on veut comprendre ce qui se passe dans nos sociétés privilégiées, face à la misère des peuples du sud de la Méditerranée, il faut lire cette histoire d’un grand pays, pourvu de richesses naturelles, doté d’une population jeune et bien formée, pleine d'ardeur et cependant tiraillée entre tradition et modernité.

Victor Hugo disait : « La misère porte le peuple à la Révolution, et la Révolution ramène le peuple à la misère. »

Au vide politique et à l’absence d’Etat après l’Indépendance, l’Algérie doit le surgissement de l’islamisme qui voit les mosquées et leurs imams dispenser l’aide aux plus déshérités avec le Front Islamiste du Salut, puis devenir un réseau  électoral d’une redoutable efficacité auprès de populations pour la plupart illettrées (du moins en Arabe classique) en septembre 1988, décidé à prendre sa revanche sur le F.L.N. et son socialisme spécifique. Car les fondamentalistes sont résolus à rayer le concept de démocratie (qui n’existe pas dans le Coran) de leur univers et à traiter les femmes comme quantité négligeable.

Sitôt enfin instauré, le multipartisme aboutit hélas au pronostic de plus de 300 députés sur 430 pour les islamistes. La consultation est annulée le 11 janvier 1992, l’armée devenant le seul garant de la démocratie et inaugurant une décennie inouïe de violence : attentats, massacres, assassinats (en particulier de journalistes), répression sanglante.

Soyons francs, pour nous les Français, ce qui se passe alors en Algérie ne nous intéresse guère. Et nous avons bien tort car la lutte des factions – les religieux, les laïques, les tenants du collectivisme, les intellectuels formés à l’occidentale, les partisans de la spécificité Kabyle toujours rétifs à l’arabisation à outrance, retentit aussi chez ceux qui ont choisi de venir émigrer en France …

Cette lecture m‘a beaucoup donné à réfléchir. J’ai furtivement rencontré l’auteur à une réunion de signature d’un autre ouvrage sur l’Algérie … Pétri des valeurs humanistes du siècle des lumières, Mokhtar Sakhri ne vit plus en Algérie. Il donne un satisfécit global à l’armée algérienne face à la hiérarchie du pouvoir, une société pyramidale qui tire son bien-être du pouvoir et n’accepterait pour rien au monde la rupture d’un statut quo garant de sa pérennité…

Une histoire cruelle, révoltante à maints égards, à méditer pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui dans nos cités sensibles … et nos salles de spectacles.

La liberté des dupes, roman de l’Algérie – essai de Mokhtar Sakhri, publié par L’HARMATTAN, 350 p., 33€


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