Octave Mirbeau, je vous en avais un peu parlé lors de ma lecture du Jardin des supplices. Je le recroise dans un autre contexte avec le journal de Célestine, une femme de chambre parisienne qui vient de trouver une place en Normandie. Elle a un peu de mal à s’accoutumer à la lourdeur et à la grossièreté de la Province et conte dans son journal ses souvenirs de Paris.
Et à vrai dire, c'est plutôt édifiant sur la vie des bourgeois parisiens du XIXe. Ils ont tous les vices : avares, fétichistes, sales, prétentieux, libidineux... Chaque note est prétexte à évoquer l'un ou l'autre de ces maîtres, de conter leur intimité et leurs manies, d'en rire ou de s'en offusquer. C'est aussi l'occasion pour Célestine de s'examiner, d'analyser ses propres réactions, sa perméabilité au vice. Et il ne faut pas croire que la perversité soit le propre du bourgeois, les serviteurs et les paysans en prennent aussi pour leur grade.
Dans ce roman, qui est un peu l'itinéraire d'une femme de chambre, son roman d'apprentissage, le lecteur est éclaboussé de tous les relents de l'humanité dans ce qu'elle a de plus bas et de plus malsain. Ce n'est pas comme Zola qui nous impose les détails de chaque accouchement, c'est plutôt la saleté morale et la perversité comme moteur de l'homme. C'est assez désespérant d'ailleurs de contempler l'homme sous ce prisme et j'espère que Mirbeau en avait d'autres car il y a de quoi déprimer. Ce qui sauve notre bonne humeur, c'est l'humour de certaines situations, la beauté des autres... Oui, malgré le fumier qu'agite Célestine, quelques jolis fleurs croissent. Et puis, le style est plutôt prenant et Célestine attachante.
L'ensemble en fait un roman agréable à lire, parfois un peu déprimant (car l'homme n'est pas si différent aujourd'hui). Et c'est bien moins terrible que Le jardin des supplices car on n'y retrouve ni le sadisme ni le masochisme de ce titre. Par contre, on reste en plein dans le décadent !