Certes, il est étrange de ne plus habiter la terre,
ne plus avoir à se servir de gestes à peine appris,
aux roses et à tant d'autres choses si pleines de promesses
ne plus accorder le sens d'un avenir humain ;
n'être plus ce qu'on a été entre des mains infiniment fragiles
et abandonner jusqu'à son nom comme un jouet cassé.
Étrange de ne plus désirer ses désirs. Étrange
de voir flotter sans lien dans l'espace
tout ce qui jadis fut lié.
Être mort est laborieux
et plein de reprises jusqu'à ce que peu à peu on devine
un peu d'éternité.
Rainer Maria Rilke