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La décomposition française ? Comment peut-on rompre aussi froidement avec l'impératif républicain, dans le but d'embarrasser la droite ?

Publié le 27 décembre 2015 par Blanchemanche
#Republique
Publié le 27/12/2015 
La décomposition française ?
©sudouest.fr
L'invraisemblable tactique politicienne de François Hollande aura donc, à la veille de Noël, assommé son camp avec cette question de la déchéance de nationalité. Rompant carrément avec les siens pour essayer d'être présent au second tour en 2017, il aura provoqué une levée de critiques sans équivalent dans l'histoire du socialisme. De Martine Aubry à Pierre Rosanvallon, de Thomas Piketty aux éditorialistes de « Libé » ou du « Monde », ce ne fut qu'une immense clameur consternée : comment peut-on rompre aussi froidement avec l'impératif républicain, dans l'unique but d'embarrasser la droite ?
Je m'apprêtais donc, très logiquement, à écrire une nouvelle chronique à charge sur cette affaire qui confirme ce que j'écrivais la semaine dernière, en assurant que Hollande se « mitterrandisait » de la pire façon. Et puis quoi ? Allais-je accepter de m'enliser dans ce qu'on pourrait appeler un processus de « décomposition française », pour reprendre le titre d'un livre paru récemment (1) ?Mieux vaut essayer d'en comprendre les raisons. Elles sont multiples, et tiennent souvent à la médiocrité des hommes eux-mêmes. Mais d'autres sont plus structurelles. Elles ne sont pas sans rapport avec la glissade du débat démocratique lui-même. Je pense à cette hâte maladive qui pousse la classe médiatico-politique (comme disait Mitterrand lui-même) à courir derrière le temps, au lieu de lever un peu le nez du guidon.Constatons que prévalent dans l'audiovisuel - qui régit désormais la politique - une incapacité à gérer les rapports qu'entretiennent le temps et la vérité ; un assujettissement ontologique à l'instant, à cette immédiateté cavaleuse dans laquelle notre précieux philosophe Paul Virilio (qui habite La Rochelle) a bien raison de voir l'essence du mensonge contemporain. On pourrait même trouver dans cette tyrannie de l'instant (ni mémoire, ni recul, ni suivi, ni futur…), la parfaite métaphore de ladite décomposition française.Exemple emblématique : à la radio comme à la télévision, toute parole (discours, bulletin d'infos, édito, etc.) se trouve infectée - dès le premier mot - par l'imminence d'une interruption, d'un raccourci bredouillant, d'une conclusion arrachée au locuteur. « Le temps nous presse ! » : cette injonction est ressassée, en toute bonne foi, par les animateurs, les journalistes ou billettistes politiques. Ce prétendu temps ne nous presse d'ailleurs qu'en vertu d'un postulat indémontré et même stupide. Non, mes maîtres, le temps ne presse pas vraiment le citoyen que je suis, qui, à tout prendre, préférerait un raisonnement plus achevé, une info mieux détaillée, plutôt que ce morse télégraphique d'une affligeante pauvreté.On doit aussi imputer à cette hâte obligatoire (faire court) l'effrayante pauvreté conceptuelle des analyses rabâchées jour après jour par les commentateurs de l'audiovisuel, et implicitement reprises par quelques animateurs questionnant les politiques. Sans parler de ce règne du tweet qui limite - pour tous - l'expression d'une pensée à 140 signes, espaces compris.Ces appels à se hâter conduisent à des raisonnements étranges, pour ne pas dire ridicules. Moins d'une année pour inverser la courbe du chômage, à laquelle on va vraiment s'attaquer début 2016 ? Qu'est-ce d'autre qu'une vaine clause de style ? Refonder la social-démocratie française avant la prochaine présidentielle ? Comment ne pas s'esclaffer, en dépit de la gravité crépusculaire du sujet ?À force, nos élites ne savent plus voir au-delà du bout de leur nez. Tout à ses petits calculs pour 2017, François Hollande devrait pourtant songer à cette belle mais effrayante réflexion du philosophe américain John Rawls : le politicien, dit-il en substance, pense à la prochaine élection. L'homme d'État, lui, pense à la prochaine génération.Qu'ajouter à cela ?(1) « Décomposition française. Comment en est-on arrivé là ? », de Malika Sorel-Sutter, Fayard, 312 p., 22,90 €.JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD
http://www.sudouest.fr/2015/12/27/la-decomposition-francaise-2228385-1391.php

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