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d'après Maupassant N°23

Publié le 27 décembre 2015 par Dubruel

~~ Scandale dans un train de nuit

D'après CE COCHON DE MORIN (21 novembre 1882)

La scène se passe dans le compartiment d'un train de nuit. Morin est assis en face d'une femme jeune et jolie. Le jour se lève. Elle s'éveilla et sourit discrètement en regardant Morin. Il tressaillit : ''Elle a un air engageant... C'est une invitation discrète.'' En fait, il songeait plutôt à ''Es-tu bête d'être resté assis en face d'elle toute la nuit, sans rien avoir tenté ! '' Morin chercha un compliment adapté à son sentiment mais il ne le trouva pas. Alors, saisi d'audace, il embrassa la jeune femme sur la joue. Elle hurla : -" au secours ! ". Au contrôleur qui s'était précipité, elle a déclaré : -" Ce type a tenté de me violer ! " Morin fut arrêté. Et plainte fut déposée pour outrage aux bonnes mœurs. -------------- À l'époque, j'étais enquêteur au quotidien Les Nouvelles de Bordeaux. Joseph Morin était un camarade. Sachant que je connaissais la famille de la jeune femme, de riches viticulteurs de Blaye, il me conta son embarras. Je ne lui ai pas caché mon opinion : -" Morin, tu es un cochon ! " -" Je ne suis coupable d'aucune agression sexuelle. Veux-tu intervenir pour moi et demander au vigneron de retirer sa plainte ? Certes, j'avais l'intention de prendre cette jolie jeune femme, mais, je te promets, je ne l'ai ni caressée ni enlacée. J'ai simplement posé un petit baiser sur sa joue. " -" C'est égal, Morin. Tu es un cochon ! " C'est alors qu'il glissa un gros billet dans la poche de mon veston. Deux heures après, avec Fréval, l'éditorialiste du journal, nous sonnions à la porte du plaignant. Une femme jeune et très belle nous fit entrer. Assurément, c'était elle. J'ai discrètement dit à Fréval : -" Sacrebleu, comme je comprends Morin ! " Par un heureux hasard, le viticulteur était un fidèle lecteur de notre journal et il se montra enchanté de nous recevoir et de nous inviter à dîner. Fréval me souffla : -" Cet accueil chaleureux me laisse présager qu'on va pouvoir arranger l'affaire de ce cochon de Morin. " -" Pas sûr, mon vieux. Pour les parents, ce n'est pas un simple petit baiser mais une scandaleuse affaire de mœurs, quasiment un crime perpétré par un vil obsédé. " Comme à minuit, nous n'avions encore trouvé aucun arrangement, le viticulteur nous offrit l'hébergement. Le lendemain, il nous fit visiter sa propriété et ses vignes. Fréval et lui parlaient récoltes, œnologie, et politique. Moi, je les suivais en discutant avec la jeune beauté : -" Songez à tous vos ennuis, mademoiselle. Quand vous allez comparaitre, il vous faudra avouer devant tout le monde qu'un homme vous a agressé sexuellement, que vous n'avez pas réussi à le rembarrer. " -" Vous avez raison. Mais j'ai eu peur que ce polisson ne fût un profiteur voire un être sexuellement déréglé. " -" Et si moi, je vous embrassais maintenant, que feriez-vous ? " Elle me dévisagea : -" Oh, vous, c'est différent. " -" Pourquoi ça ? " -" Vous n'êtes point aussi laid que cet homme-là. " Je lui plantai alors un long baiser dans le cou et lui dit : -" J'aimerais bien être jugé pour la même raison que ce gros cochon de Morin. " Puis sa main rencontra la mienne, je l'ai enlacée, mes lèvres trouvèrent les siennes et lui jetais des baisers partout où je trouvais de la place. Bref, j'avais réussi où Morin avait échoué. Fréval, qui s'était retourné, s'exclama avec humour : -" Est-ce ainsi que tu répares l'affaire Morin ? " Le lendemain, j'annonçais à ce dernier que le vigneron avait retiré sa plainte : -" Ton affaire est arrangée, vieux cochon ! "


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