Max | Auprès de mon arbre

Publié le 27 décembre 2015 par Aragon

Il était comme ça au printemps dernier, il est comme ça cet aprèm, sur la photo d'en-bas. C'est pas une queue des tornades du Texas ou du Mississippi qui a sévi, c'est l'exécuteur des hautes oeuvres, frangin Sanson, qui est passé par là. Mom l'avait condamné, ses crimes : il avait du gui et ses pommes n'avaient de pomme que le nom. Acides, minables, verminées, rachtèques, le vil serpent édenique n'en aurait point voulu, toutes échangées contre une seule âme.

C'est pas la faute du frangin, c'est pas la faute de mom, s'ils me lisent, ce papier n'est aucunement une basse critique à leur encontre, ni une ruade dans la marmite familiale...

On dézingue souvent parce que c'est pas beau, pour actualiser, par modernité, parce qu'il faut changer, par sécurité, pour "faire du neuf" (j'en sais quelque chose), par nécessité, que des bonnes et vraies raisons, mais un arbre... Faudrait toujours savoir tourner sept fois sa tronçonneuse entre ses mains avant de prendre la décision de trancher un arbre comme un vulgaire saucisson.

Les arbres c'est la vie, les arbres c'est plus que la beauté multipliée à l'infini car un arbre, en plus, il porte en lui haute mémoire, les arbres c'est des HLM pour les piafs, des baisodromes pour les libellules, les arbres c'est des garde-manger pour les mésanges, les troglodytes, les rouges-gorges, les arbres c'est la joie pour les mômes. Y'a pas un môme sur Terre (sauf petit eskimo ou touareg) qui ne soit pas monté dans un arbre au moins une fois dans son enfance. Y'a tant d'arbres abattus par les tempêtes qu'on utilise comme bois de chauffage, mon frangin sait ça mieux que quiconque, ça suffit largement, mais ce pommier, mais tous ces arbres qu'on abat inutilement...

Ce pommier, mon dabe fort contrit, qu'a rien pu faire contre la sentence motherienne, qu'a pas fait gaffe - il le regrette-, ce pommier donc qu'était déjà grand comme sur la photo du printemps dernier, mon père y faisait le con dans ses branches en 1930. Sa mine tout à l'heure était livide au pied du tronc, big zébrure dans son intérieur...

Y'avait certes des branches qu'étaient plus chicots que branches, mais on aurait pu l'ébrancher, le faire passer chez le tiffeur, et le gui ? Ben, les grives en raffolent, le gui fait des heureux dans la nature s'il pique un peu de sève au passage, et les pommes ? Ben on s'en fout, on va à la coop d'Amou pour en acheter de belles et de bonnes. Fallait le voir le vieux quand il était en fleur, quand il faisait sa coquette, sa fofolle au mois de mai. Ce vieux jeunot de cent dix ans.

Mon vieux me disait tout à l'heure : "C'est foutu, je peux pas le recoller mon pommier... allez, ramène-moi... je suis pas prêt de revenir au jardin..." Ben non papa tu peux pas, même avec de la Super Glue, le recoller, c'est cuit, enfin c'est presque cuit, la cheminée attend ton pommier.