Ce roman est-il un roman ou un jeu sur le langage ? Le prétexte est la mort de Roland Barthes, sémiologue, critique après un accident. Mais cet accident en est il vraiment un ? Sur quoi travaillait Barthes ? L’inspecteur Bayard policier réac, ancien de la guerre d’Algérie s’adjoint les services de Simon jeune universitaire de Vincennes pour mener l’enquête.
Mais le récit est loin d’être un récit policier, il évoque le monde universitaire de ces années là et ses concurrences, les différentes écoles philosophiques ou spécialiste de la langue (Foucault, Derrida, Jacobson, Searle). On côtoie BHL, dont l'auteur aime se moquer et qui est au début de sa carrière; les hommes politiques de l’époque Giscard, Mitterrand, Rocard, Lang.Le récit emmène nos personnages en Amérique, Italie, à essayer de remonter les fils et de comprendre la septième fonction du langage. Bayard l'inspecteur étranger à ce monde érudit est un peu comme le lecteur perdu dans ces jeux de signes, signifiants, fiction, réalité qui sont au coeur de l'histoire.
L’auteur s’amuse avec ses personnages et son lecteur comme une marionnette, le thème des masques à Venise par exemple ; les références à des vrais évènements (le journal télé qui annonce la mort de Barthes, le débat Mitterrand-Giscard, mais aussi des citations littéraires, de grandes œuvres ou monuments italiens). Il intervient dans le récit interpelle le lecteur, donne son point de vue, fait réfléchir son personnage sur le fait qu’il est dans un roman. Il interroge sur la fonction du langage, l’importance des mots, de la littérature. Mais pose aussi un regard critique sur le monde politique, l’intellectuel, l’engagement, avec une bonne dose d’ironie et de second degré. Il décrit aussi le monde underground, la drogue, les gigolos, l’esprit des années 80.
Cet ouvrage est vraiment déroutant à la fois sérieux et ironique, capable de vous résumer des théories sur le langage et décrire un logos club absurde. De parler de la violence d’extrême gauche et de décrire des choses triviales.
Il demande une attention soutenue pour ne pas perdre le fil de la démonstration de l’auteur, le récit des personnages. Le début m’a déboussolé et je trouvais que les 2 personnages avaient peu d’épaisseur. A partir de la 2eme partie, je me suis habituée à cette alternance de sérieux, de jeu. Et j’ai compris que le véritable enjeu du récit était plus la réflexion sur le langage, le pouvoir d’évocation d’un roman, la force d’évocation des mots dans notre monde d’image.
La maîtrise de l’auteur est manifeste, avec des moments jubilatoires mais parfois son plaisir est un peu égoïste car je me serais bien évitée certains discours réels ou fantaisistes. Des rebondissements rocambolesques quand il s'amuse avec ce pauvre Simon en le mettant dans des situations délicates que vous découvrirez.Un exercice de style maîtrisé même si j’aurais aimé que la partie fictionnelle soit plus forte par moment. Car certaines digressions ont été difficile à suivre et alourdissent un peu le récit. Mais le côté baroque, décalé jusqu’au bout est quand même jubilatoire à lire.C’est un livre qui casse les codes du roman et nous montre le pouvoir de la langue.
Donc si vous êtes curieux partez à la découverte de la 7e fonction du langage et suivez Simon dans ses aventures