Félicitations, Massilia fête déjà ses 30 ans ! Quel regard portes-tu sur votre parcours musical ?Un regard plutôt émerveillé. On ne s’attendait pas à être encore là trente ans plus tard ! C’est grâce au public et aux gens qui nous accompagnent. On vient de terminer la tournée des 30 ans, avec un grand nombre de festivals. Grosse affluence et super accueil partout ! Notre parcours musical, nous l’avons plus ou moins tracé dès le départ, car nous avons adapté le sound system jamaïcain à notre situation locale, à Marseille, en France, à une époque où ce genre musical (le rub-a-dub) était peu connu du public. Nous avons puisé dans notre propre réservoir culturel, en nous inspirant de notre folklore occitan et en utilisant la langue d’Oc. Tout de suite, ça nous a donné une direction que l’on continue de suivre aujourd’hui. D’où, peut être, cette longévité.
Tu présentes aujourd’hui un album solo intitulé Raggamuffin Vagabond…En fait, je ne réalise jamais vraiment un projet perso. Il s’agit toujours du fruit de rencontres et de collaborations. C’est donc toujours, en quelque sorte, des projets de groupe que je porte. Le premier, Papet-J.com, s’est fait avec DJ Kafra et Olivier Lormeau ; le second, Papet-J.Rit, avec Rit et une équipe en studio ; et, celui-ci, avec les musiciens du 149 Band, sous la houlette de Grégory Lampis, alias Poupa Greg, et Max Drumboy, dans leur studio à la Trinité, au nord de Nice. J’aime travailler en studio à condition que ça aille vite ! (rires) Pour les projets solos, je travaille d’abord longtemps sur scène avec mes partenaires, c’est ce qui me motive le plus au départ. Ce n’est qu’après un long moment d’expérimentation que l’on décide, ou pas, d’emmener le fruit de notre collaboration en studio.
Que t’apportent ces deux expériences parallèles ?Avec Massilia, c’est une si longue histoire ! On a réalisé un grand nombre d’albums ensemble. Nous nous connaissons par cœur et savons tous comment solliciter les autres. Le challenge est de ne pas se répéter et d’apporter toujours quelque chose de neuf, tout en restant Massilia. Pour mes projets solos, j’emprunte des chemins buissonniers. J’écris des chansons en continu et, quand arrive le moment de composer, je sors mes textes et mélodies, et je les propose. Même si, aujourd’hui, tout le monde utilise à peu près les mêmes outils et les mêmes techniques, c’est enrichissant de découvrir d’autres artistes, d’autres faiseurs… J’ai l’air de parler d’évidences, mais beaucoup d’artistes ont peur de se confronter à des têtes nouvelles. Moi, c’est qui me fait aller de l’avant.
Pourquoi cet album porte-t-il la mention « MC Globe-Trotter » ?Il y a quelques années, j’ai décidé d’aller voir ailleurs comment se joue le reggae et de voyager grâce à la musique. C’est ce je fais. Au moment où je vous parle, je suis en vacances dans le sud de l’Italie et c’est un territoire que je fréquente depuis vingt ans, car, en plus d’être un coin superbe de la planète, j’y ai un grand nombre d’amis musiciens. Bien qu’étant en vacances, j’ai quand même participé à trois soirées sound system. J’ai toujours un minimum de matos pour pouvoir jouer et, dans tous les cas, mes riddims dans la poche ! J’aime voyager en chantant, ça me permet d’être au-delà du tourisme consommateur. Un artiste, par définition, est quelqu’un qui est appelé à se déplacer au maximum et le plus loin possible. Mais très peu ont la chance d’intéresser les producteurs lointains… Alors, il faut se mettre dans la peau du globe-trotter et partir un peu à l’aventure, en créant soi-même les opportunités. C’est ce que je fais et j’adore le faire !
Comme avec Massilia Sound System, on retrouve cette vibration ensoleillé de Marseille sur certains titres de Raggamuffin Vagabond. Est-ce un ingrédient indispensable quand on est marseillais ?C’est ma nature : j’aime le soleil, la chaleur, et les gens qui vont avec. J’aborde souvent des thèmes qu’on pourrait qualifier de sérieux mais, grâce au reggae, ça passe mieux. Faire réfléchir les gens tout en dansant, c’est la marque de fabrique du Massilia ! Mes collègues et moi ne savons pas faire autrement ! (rires)
Pour Raggamuffin Vagabond, tu as travaillé avec les musiciens du 149 Band et leur label. Comment s’est passée cette collaboration ?En fait, je les ai rencontrés par hasard il y a trois ans. Il y avait un riddim, que m’avait passé mon ami Selecta Micky San de Montpellier, qui me plaisait, et j’ai appris, quelques temps plus tard, que c’étaient des Niçois qui s’appelaient Babyclone, qui avaient fait ce super riddim. Il s’agit du Data Riddim, sur lequel j’ai enregistré « Dans Ma Rue », qui figure sur Raggamuffin Vagabond. J’ai aussitôt appelé Poupa Greg qui, selon ses dires, a un peu halluciné. Nous avons discuté un bon moment et pris rendez vous. Quelques jours plus tard, je me rendais à Nice pour une première rencontre. En fait, je voulais l’autorisation d‘enregistrer sur ce riddim. Greg m’a aussitôt proposé une collaboration sur scène. Papet-J accompagné par un backing Bband ? Pourquoi pas ? Nous avons monté un répertoire et joué notre premier concert le 27 décembre 2012 à Aurons. Au fil du temps, les compos sont arrivées et nous avons décidé de faire cet album. Nous avons coproduit l’album qui sort sur les labels 149 Records/DJs du Soleil.
Que prévois-tu pour la rentrée ?En bon MC Globe-Trotter, je me rends à Shanghai, début septembre, pour une soirée, et pour découvrir un nouveau territoire ; en novembre, je serai au moins quinze jours au Québec et au Canada ; entre temps, beaucoup de soirées en sound system seul ou avec les DJs du Soleil ; et aussi, et surtout, préparer la tournée 2016 en résidence avec le 149 Band… Raggamuffin vagabond, toujours !
Simba
http://www.papet-j.fr(pour Reggae Vibes Magazine #44 - octobre/novembre 2015)