Il est à peine besoin d’appeler l’attention sur l’importance de la dépêche suivante de notre envoyé spécial à Salonique. On pourra se rendre compte que si ailleurs on discute encore sur la question de savoir si les Bulgares pénétreront ou non en Grèce, l’opinion à Salonique est dès maintenant fixée.
(De notre envoyé spécial.) Salonique, 23 décembre.
La retraite terminée, l’armée ayant gagné le territoire grec, le silence vous a peut-être paru se faire sur le front balkanique ; ce n’était pas le silence complet. Si l’on n’entendait pas le bruit des canons, des fusils, on pouvait entendre celui des pelles et des pioches. En hâte, les Alliées se fortifient sur la ligne qui va devenir maintenant celle de leur défense et faire de Salonique un camp retranché redoutable. La nouvelle position de défense que nous occupons, pour si bien choisie qu’elle soit, ne doit pourtant pas vous donner l’assurance que plus rien ne serait utile pour la renforcer. Ce dont l’armée d’Orient a besoin pour tenir son rôle présent, pour occuper dès maintenant les positions essentielles n’est pas considérable ; car l’armée d’Orient n’a pas terminé sa tâche ; elle saura résister à l’assaut qu’elle va sûrement subir après avoir mis Salonique en état de défense. L’Allemagne, elle, a voulu bluffer ; elle avait dit à la Grèce et à la Roumanie ainsi qu’à tous ceux qui attendent : « Vous allez voir. » Ils ont vu, en effet, qu’elle ne peut désormais rien entreprendre sans les Bulgares et c’est pourquoi nous avons eu le temps de nous retrancher. Contrairement à ce qui a été annoncé de divers côtés les effectifs bulgares pénétreront en Grèce ; car l’Allemagne a assigné un rôle à la Bulgarie. Le plan de l’Allemagne est simple, il est déjà en exécution. Elle tâchera de grouper cent mille hommes de l’armée Mackensen, les autres ont été dirigés sur Routchouk, Demberg et le front italien ; avec ceux-là elle descendra par Monastir. Les Bulgares venant par Guevgheli formeront le centre et les Turcs qui étaient avant-hier à Kustendil et qui marchent sur le col de Nevrocop seront l’aile gauche. L’Allemagne compte ainsi nous attaquer par trois côtés. Notre front est solide, et le chef qui le commande est un chef.
Le Petit Journal, 24 décembre 1915.