Sur les deux mille ouvrages bétonnés érigés par l'armée allemande le long du mur de l'Atlantique pendant la seconde guerre mondiale, beaucoup ont disparu. Certains subsistent encore connaissant des sorts divers. Parfois ils ont été restaurés ou abritent des musées. Sur les côtes sablonneuses d'Aquitaine de nombreux blockhaus se sont affaissés avec le temps. Une grande majorité des bunkers sont à l'abandon, maltraités par les éléments naturels. A l'occasion leurs murailles épaisses attirent les taggeurs pour quelques interventions sauvages qui ne révèlent pas pour autant d'une démarche artistique probante. Cependant quelques exemples récents témoignent d'un intérêt porté à ces fantômes architecturaux lourds de leur histoire pour les détourner de leur mémoire militaire au bénéfice d'une appropriation artistique pacifique contemporaine.
« Réfléchir » création Anonyme 2015 (Photo : Arnaud Helary)
« Réfléchir »
En mars 2014, assisté par plusieurs étudiants en art, Anonyme, pseudonyme d'un artiste plasticien Dunkerquois de trente huit ans, se lance dans une aventure incertaine : recouvrir avec des milliers d’éclats de miroir trois cents cinquante mètres carrés du premier blockhaus de la batterie installée sur la plage de Leffrinckoucke. Aventure car l'opération financée par les seuls moyens personnels de l'artiste, sans autorisation préalable laissant la légalité de l'intervention dans un flou artistique, présentait donc quelques incertitudes sur son aboutissement. Utilisant des chutes de miroirs provenant de déchetteries, l'artiste a invité les particuliers à déposer tous les fragments disponibles pour parfaite l'ouvrage. Le résultat saisissant de cette opération est désormais visible.Ce ne sont pas les obus qui auront fait disparaître les murailles indestructibles de cet ouvrage de défense militaire mais le geste tranquille d'un artiste dont l'acte créatif a traversé l'épaisseur du béton en restituant à notre vision un horizon, une lumière. Avec pour titre « Réfléchir », l’œuvre désormais achevée associe la réflection changeante de ses parois à une réflexion sur l'histoire de cet objet à l'abandon porteur cependant d'une histoire encore douloureuse.
Cécé
Sur une autre plage de Basse-Normandie, Siouvilhe, un autre bunker de la seconde guerre mondiale vient de connaître lui aussi un transformation inédite. L’artiste français Cécé vient tout juste de terminer sa dernière œuvre de street-art.
Muralisme
Il y a quelques mois le quartier de la Pallice à La Rochelle inaugurait la fresque qui habille le blockhaus situé au bas de l'avenue Émile-Delmas. Ce travail réalisé par le groupe Muralisme, composé des deux artistes Valérie Izzo et Julien Frenzel, illustre une évocation de l'histoire de cette zone portuaire.
La pallice blokhaus création groupe Muralisme 2015
Les thèmes peints ont été sélectionnés au terme de plusieurs rencontres entre les créateurs et les habitants du quartier, écoliers, adhérents du centre social, passeurs de l'histoire de l'association Paroles de Rochelais. C'est ainsi le souci d'un lien social qui anime cette initiative.
Ces quelques exemples récents révèlent combien une telle démarche artistique, loin d'être le résultat d'une réflexion globale sur le devenir de ces vestiges de notre histoire contemporaine, surgit d'initiatives individuelles, isolées, soumises aux aléas techniques et au "Laissez-faire" des autorités locales. Entre conservation mémorielle et terrain de jeu artistique, les bunkers du mur de l'Atlantique ne racontent pas tous la même histoire.