Bob Dylan est un monument de la musique populaire américaine du dernier demi-siècle. Sa musique s’affranchit des genres, des frontières et des clivages. Ni folk, ni rock, ni blues, ni country, ni jazz, mais tout ça à la fois, Robert Zimmermann, aujourd’hui, fait paraître des albums un tantinet fourre-tout mais dans lesquels il se fait plaisir, n’ayant plus rien à prouver depuis longtemps. Si l’on excepte son passage à vide des années 80, où ses disques tenaient plus du prêchi-prêcha religieux que de la musique, du moins de la musique écoutable, il n’y a pas grand-chose à jeter dans son œuvre.
Profitant du fait que les deux premiers albums de Dylan sont désormais tombés dans le domaine public, BDMusic en profite pour en faire le cœur de ce coffret. Un album par CD. Le premier, paru en 1962, est une collection de reprises de titres blues ou folk, avec seulement deux de ses propres chansons, « Talkin’ New York », sur la ville qu’il a découverte quelques mois auparavant (il y débarque en janvier 1961 et cet album est enregistré en novembre), et « Song to Woody », en hommage à l’une de ses idoles, Woody Guthrie. Pour le reste, on trouve de nombreux traditionnels arrangés à sa sauce, « Man of constant sorrow », où par quelques-uns de ses amis, « Baby, let me follow you down » (par Eric Von Schmidt) ou « House of the risin’ sun » (par Dave Van Ronk, même si Dylan « oublie » de le créditer), et des reprises de bluesmen découverts au hasard de ses pérégrinations, Jesse Fuller, Bukka White, Curtis Jones ou Blind Lemon Jefferson. Un album dépouillé, acoustique, rêche, mis en boîte en deux jours. Qui est un échec à sa sortie, au point que les pontes de Columbia se demandent s’ils ne vont pas rendre son contrat au jeune chanteur. Il faudra toute la pugnacité du producteur John Hammond, qui l’a fait signer sur le label, pour qu’il n’en soit rien, même si, dans les bureaux de la maison de disques, on parlera longtemps de Dylan comme de « la folie d’Hammond ».
Néanmoins, un an après ce premier essai, Columbia fait paraître son deuxième album, « The freewheelin’ Bob Dylan », toujours aussi minimaliste et acoustique, mais qui connaît le succès, grâce notamment à des chansons comme « Blowin’ in the wind », « Girl from the north country », « Masters of war » (une violente charge pacifiste), « A hard rain’s a-gonna fall », « Don’t think twice, it’s all right ». Cette fois, il n’y a plus aucune reprise, toutes les chansons sont signées Dylan, qui peut désormais écrire sa propre légende. Ces deux albums sont complétés de bonus, comme « Mixed-up confusion », un single jamais repris en album et qui est la première chanson sur laquelle Dylan s’entoure d’un groupe électrique, trois ans avant le pseudo scandale du festival de Newport 1965. On y entend également des extraits de deux émissions de radio, l’une enregistrée en juillet 1961, l’autre en janvier 1962, toutes deux, donc, avant la parution de son premier album. La seconde de ces émissions est intéressante en ce sens qu’on y entend Dylan reprendre Howlin’ Wolf (« Smokestack lightnin’ »), Woody Guthrie (« Hard travellin’ ») ou Big Joe Williams (« Baby please don’t go »).
Et puisqu’il s’agit d’un coffret publié par l’éditeur BDMusic, il est évidemment complété par un gros livret de quarante quatre pages, dont plus de la moitié sont illustrées par le graphiste Pablo. Ce dernier est un touche à tout, capable de travailler sur n’importe quel support, de la toile à l’écran d’ordinateur, avec n’importe quel ustensile, du doigt à la palette graphique, n’importe quel sujet, du nu académique à la musique. Ce qui l’a amené à concevoir plusieurs couvertures pour le comics « Star Wars » chez Dark Horse, ou, déjà chez BDMusic, à illustrer des volumes consacrés à Mozart ou à Serge Gainsbourg. Le grand écart artistique ne lui fait pas peur. Pour Bob Dylan, Pablo a travaillé à l’encre de chine, ce qui donne des dessins très contrastés, plutôt crus, voire violents. La plupart d’entre eux s’étalent sur une double page et illustrent une chanson particulière, mais certains thèmes sortent du cadre spécifique des deux premiers albums, puisqu’on y trouve « Bound for glory », titre de l’autobiographie de Woody Guthrie, « Hard times in New York town », chanson datant de cette période, mais qui ne paraîtra officiellement que trente ans plus tard, en 1991, sur le premier volume des « Bootleg series », « The times they are a-changin’ », de 1964, « Everybody must get stoned », vers qui constitue le refrain de « Rainy day women #12 & 35 » en 1966, « Chaos is a friend of mine », phrase prononcée en interview en 1965, « Knockin’ on heaven’s door », de 1973, chanson extraite de la bande originale du film de Sam Peckinpah, « Pat Garrett and Billy the Kid », dans lequel Dylan joue le rôle du personnage fictif Alias, ou encore « Don’t look back », titre du documentaire de D.A. Pennebaker consacré à la tournée anglaise de Dylan en 1965.
Au fil des illustrations, on voit Dylan dans les rues de New York, avec Woody Guthrie, Martin Luther King, Joan Baez ou les Beatles (mais, dans ce dernier cas, ce sont les Beatles de 1969, traversant la passage clouté de la célèbre Abbey Road), en pleine guerre du Vietnam, Pablo s’ingéniant à capturer l’esprit de ses chansons, de sa musique, de son quotidien ou de son engagement plutôt que de dresser un véritable portrait physique du bonhomme, à part sur la couverture du coffret ou en page 37, avec l’une des rares illustrations en couleurs, sur la base d’une photo (période 1965/1966) travaillée à la palette graphique. Avec son noir et blanc expressif, Pablo réussit à rendre vivant un Dylan déjà devenu inaccessible dès ses premières années de succès, se dissimulant derrière un double virtuel bâti autour des nombreuses affabulations qu’il sert alors à la presse aussi bien qu’à sa maison de disques. Mais, c’est bien connu, on pardonne (presque) tout aux génies.
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