La Déclaration universelle des droits de l'homme est l'un des textes les plus importants de notre Histoire. Ecrite au lendemain des atrocités de la Deuxième guerre mondiale par des personnalités aussi éminentes qu'Eleanor Roosevelt ou René Cassin, ce texte démontre que le droit peut rayonner sans nécessairement sanctionner.
La Déclaration universelle des droits de l'homme a été adoptée, à Paris, le 10 décembre 1948 par les 58 États Membres qui constituaient alors l'Assemblée générale des Nations-Unies. D'une qualité de rédaction exceptionnelle, son texte est non seulement universel mais, également, "indémodable". La Déclaration universelle des droits de l'homme a été la matrice de textes plus "opérationnels" tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, tous deux adoptés en 1966 et entrés en vigueur en 1976.
La Déclaration de 1948 continue d'animer le débat. La question est aujourd'hui posée, non de réécrire ou de modifier la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais de lui adjoindre un Pacte international relatif au droit de l'homme à l'environnement ou une "Charte universelle de l'environnement".
Revenons à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Ses trente articles ne bénéficient pas tous de la même renommée mais méritent tous d'être étudiés.
L'article 1er est incontestablement le plus connu :
"Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité."
L'article 6 est peut être l'un des moins connus. Paradoxalement, c'est sans doute l'un des plus importants, l'un de ceux qui permettent aux droits de l'homme d'exister :
"Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique."
L'analyse de cette seule phrase mériterait de longs développements. Nous tenterons simplement d'en résumer le sens et la portée. Chaque mot appelle une halte.
L'emploi du mot "chacun" correspond bien à la vocation universaliste de la Déclaration de 1948 : les hommes et les femmes, quels qu'ils soient et quoi qu'ils fassent sont, également, titulaires de droits. Chacun sans discrimination. C'est à dire : y compris les ennemis du Droit et des droits de l'homme. Car c'est aussi en donnant des droits à leurs adversaires que les droits de l'homme sont forts. Une idée complexe mais essentielle. Il est impossible ici de ne pas citer l'une de ses traductions à l'article 11 de la Déclaration :
"Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées."
Au sein de l'article 6, les termes "à la reconnaissance" doivent, à leur tour, retenir l'attention : les droits de l'homme sont un combat. Ils ne vont pas de soi. Ils appellent travail et vigilance pour être "reconnus". C'est à dire connus et protégés.
"en tous lieux" : ici aussi s'affirme le caractère universel de la Déclaration. L'humanité est pensée comme une unité. L'existence des Etats et de leurs frontières ne doit pas pouvoir arrêter la reconnaissance et la protection des droits de l'homme définis par la Déclaration.
Enfin, terminons par les mots parmi les plus fondamentaux de cet article 6, voire de la Déclaration elle-même : "personnalité juridique". Ils confirment avant toute chose l'existence du Droit. Ils signifient dans le même temps que tout être humain est un sujet du Droit. D'un Droit dont les droits de l'homme sont au fondement. Dés lors, chacun dispose, dans son patrimoine, de droits et devoirs qui lui sont reconnus ou exigés partout et en tous lieux. Bénéficier d'une "personnalité juridique" c'est être admis dans la civilisation, avoir la possibilité, notamment, de défendre et d'exprimer sa dignité, sa liberté.
Aux termes de cet article 6, tout être humain, quel que soit son sexe, son âge, ses convictions, sa culture et son lieu de vie, est titulaire de droits qui ne dépendent pas du bon vouloir de tel ou tel Etat, organisation ou individu. Les droits de l'homme sont universels et chacun doit veiller à les défendre, pour soi et pour autrui.
En ces temps d'incertitude et d'état d'urgence, il est précieux de relire la Déclaration universelle des droits de l'homme, que d'éminents intellectuels et juristes de tous pays, dans un monde frappé par l'un des pires crimes de l'Histoire et contre l'Humanité, ont souhaité ensemble rédiger pour le proposer à tous les hommes et à toutes les femmes.
L'idée d'accompagner les mots de dessins est tout aussi précieuse. Et constitue une belle réponse au nihilisme.
Arnaud Gossement