Les chrétiens d'origine gréco-romaine avaient déjà associé Jésus au soleil, parce qu'ils avaient d'eux-mêmes établi un lien entre le Christ et Apollon. Apollon, dieu du soleil, est aussi le dieu de l'ordre harmonieux du monde, de l'intelligence, de la parole poétique. Quand il advient, il éclaircit, apaise, répare les troubles de ce monde. C'est pourquoi on trouve dans les catacombes de Rome, parmi les toutes premières représentations du Christ, celle du jeune homme debout, la tête entourée de rayons : le Christ apollinien. Jésus n'était-il pas, lors de sa Résurrection, vêtu de vêtements d'un blanc aveuglant ? Il est la Lumière, dit saint Jean.
Vers 275, l'empereur Aurélien, agacé par la floraison de cultes orientaux dans Rome et spécialement dans son armée - or les empereurs du IIIe siècle ne gouvernent qu'appuyés sur l'armée - eut l'idée d'instaurer un culte patriotique unique qui ferait la synthèse des religions à la mode et, espérait-il, les digérerait toutes. Un culte à dieu unique, solaire, dans lequel on trouverait un peu d'Égypte, un peu de Mithra - cette religion orientale dont le dieu mourait et naissait au solstice d'hiver -, un peu de christianisme. L'idée n'était pas nouvelle ; depuis un siècle elle était dans l'air et on en a des traces dans les tombes populaires de Rome. Aurélien fit donc construire au Champ de Mars de Rome un temple de très grande taille, dédié au dieu Soleil invaincu et dont la fête se célébrerait au solstice d'hiver : le 25 décembre. Un des avantages était que la date était déjà populaire à Rome ; c'est à peu près celle des Saturnales, fête à laquelle étaient associés des cadeaux, les streniæ, nos « étrennes ».
Le culte solaire d'Aurélien fut un échec. Quelques années plus tard, son successeur Constantin annonçait sa conversion personnelle à la foi chrétienne. Mais la tentative d'Aurélien avait néanmoins marqué les esprits, et la date du 25 décembre est restée parce que l'Église a voulu christianiser définitivement ce « soleil levant » aussi bien que les Saturnales. Il ne s'agit pas de copier un culte païen – quel intérêt ? – mais d'exprimer le mystère chrétien avec des symboles accessibles aux païens.
Nous sommes certains que Noël était officiellement le 25 décembre dans le calendrier de l'Église en 336, et probablement plus tôt. Si, depuis, les Orientaux et les Occidentaux célèbrent Noël avec un décalage – les Orientaux, c'est-à-dire les orthodoxes, le 7 janvier –, c'est que nos calendriers respectifs sont décalés depuis que les Occidentaux ont réformé l'ancien calendrier, dit julien, afin de remédier à un problème de calcul. Car les mouvements de la Terre autour du Soleil ne tombent pas juste en nombre de jours, de sorte que le calendrier julien s'est peu à peu décalé par rapport au soleil. Les Orientaux sont restés fidèles au calendrier julien et se trouvent ainsi « en retard » de quelques jours.