Poezibao a posé à plusieurs de ses correspondants la question suivante :
L’art est-il, pour vous personnellement, dans votre vie quotidienne, un recours en ces temps de violence et de trouble(s) et si oui en quoi, très concrètement, littérature, musique, arts plastiques ?
Réponse de Patrick Beurard-Valdoye :
Les arts poétiques sont bien davantage que recours, ou secours.
En construisant des lignes d’anticipation, je ne m’oblitère plus les yeux, ni ne m’obstrue l’ouïe. Par elles je m’habitue à supporter la brûlure du trouble ; à travers elles, j’envisage la catastrophe à visage perdu.
Ce transformateur du conforme et de l’amorphe.
Cet endroit depuis clairvoir.
C’est le terrain d’où gratter les strates mensongères. D’où la théorie des ligatures raccorde les zones d’ombre de l’histoire, les pages blanches sans histoire.
Et c’est toujours la même histoire, sans échappatoire. Il n’y a pas de fiction. Il y a un verger que je désire étrange, sans quoi le désert aux ronces et mourons m’étrangle.
De ce lieu-dit, des noms devraient être modelés, des renoms qui érodent le langage corrompu, et se frottent à la violence faite vulgate.
Une première violence — rentrée — est que ces mots ne seraient pas de perfides engins de combat pour dominer, asservir. Ces mots dont l’objectif ne serait pas tant d’avoir raison — si tout n’est pas raisonnable — et qu’il faudrait, pour commencer, mettre à une plus juste place.
Mais la plus indicible violence, faite, à nous poètes — l’imposition silencieuse, l’assignation au lieu-tu — est notre séjour au désert, en exil, d’où nous voyons les fauteurs de troubles à visage humain soigner.
Patrick Beurard-Valdoye