C’est à cause du crocodile que j’ai eu envie ces jours-ci de lire Peter Pan. Le crocodile dont le Capitaine Crochet redoute le tic-tac qui s’approche. Qui est Peter Pan ? Un enfant prétentieux, un séducteur d’enfants ? C’est d’abord un enfant qui « n’a pas de maman », qui prétend avoir voulu revenir un jour mais avoir trouvé son lit occupé par « un autre petit garçon », hélas pour lui. En Wendy il trouve une mère, non seulement pour lui mais aussi pour les enfants perdus. Qu’est-ce qu’un enfant perdu ? C’est un enfant qu’on a perdu. Et qui cherche, dans les limbes, une mère, un père. Le père, ils en ont une image terrible, inavouée, en la personne du Capitaine Crochet, un adulte, parfois très mélancolique, qui leur donne des ordres et ne cherche qu’à punir. Et la mère, quand Wendy, la grande soeur, en joue le rôle, ces enfants perdus sont convaincus de l’avoir trouvée, parce que leur vraie mère ne pourrait les retrouver, eux qui sont persuadés d’être oubliés. C’est cet amour-là que cherche Peter Pan, atteint progressivement par l’oubli. Quand il reviendra, après avoir raccompagné Wendy et tous les autres chez M. et Mme Darling, au gré de retours de plus en plus espacés, ce sera toujours pour donner un instant une mère aux enfants perdus.
Et l’écriture de James Barrie nous y reconduit, proposant parfois des histoires qu’il pourrait raconter mais qu’il ne raconte pas, enfin pas cette fois-ci, même si certains peuvent en être déçus, parce qu’il « vaut peut-être mieux s’en tenir » à celle-ci.