Que dire de cette saga sur laquelle tout a déjà été dit mille fois ? Alors que s'apprête à sortir le septième long-métrage, soit le premier de la troisième trilogie, il semble important de rappeler que, au-delà de la nouvelle machine à fric de l'écurie Disney, le phénomène qu'a lancé George Lucas en 1977 à une place toute particulière dans l'histoire du cinéma mais aussi dans l'industrie hollywoodienne.
Imaginez plutôt : En 1977, le cinéma américain est dominé depuis près de dix ans par la tendance dit du " Nouvel Hollywood " qui rompait avec l'âge d'or des studios en proposant des productions indépendantes aux budgets réduits et portés par des comédiens pas (encore) connus. Cousin américain de notre Nouvelle Vague, tous ces films (qu'il s'agisse d'Easy Rider, de Panique à Needle Park ou d'Harold et Maude pour ne citer qu'eux) ont complètement délaissé le glamour et les grandes épopées romanesques qui firent les belles heures des grands studios pour leur préférer des personnages humbles et marginaux. Un seul et unique film avait réussi, deux ans plus tôt, à fédérer le grand public grâce à une campagne marketing exemplaire, il s'agit des Dents de la mer, qui imposa de fait le terme de blockbuster. Autant dire que quand, au milieu des années 70, le jeune Georges Lucas, qui venait de signer deux films, un film d'anticipation des plus sobres (THX 1138 en 1971 qui était la version longue d'un court-métrage qu'il avait réalisé quatre ans plus tôt) et un teen-movie (American graffiti en 1973), commença à faire le tour des studios avec, sous le bras, le scénario d'une fresque épique ayant lieu dans l'espace (sa première inspiration était le comics Flash Gordon sur lequel il n'a pas pu avoir les droits), la frilosité fut de mise.
Après les refus des studios Universal (producteur d'American Graffiti et des Dents de la Mer) et United Artists (pourtant réputé pour donner sa chance aux jeunes réalisateurs ambitieux), 20th Century Fox finit par accorder toutefois son attention au projet. Au fur et à mesure des plusieurs années qu'il a passé à réécrire le script, Lucas a compilé tous les éléments qui allait faire de son récit une œuvre aux retentissements universels et un film s'adressant aux amateurs de tous les genres. Sur une trame ouvertement inspirée par celle du film de sabre La Forteresse Cachée (Akira Kurosawa, 1958), le personnage du héros Luke Skywalker est réfléchi pour correspondre aux normes édictées par Joseph Campbell dans Le héros aux mille et un visages, tandis que celui de Han Solo est calqué sur les anti-héros de western et que le caractère princier de la princesse Leia rappelle les mythes et légendes européens. Le personnage de C3PO est, quant à lui, pensé comme un mélange entre le Robbie le Robot de Planète interdite (Fred M. Wilcox, 1957) et le L'homme en fer blanc du Magicien d'Oz (Victor Flemming, 1939... une étrange source d'inspiration mais qui peut aussi impliquer le visuel de Chewbacca similaire à celui du Lion Peureux), tandis que son duo avec R2D2 apporte la touche comique du film en s'inspirant de Laurel et Hardy.
C'est à cette période, longtemps avant que ne commence le tournage, que Lucas commença à tenter de convaincre les décideurs de la Fox que son film devrait se décliner en une trilogie. Peu convaincu que les 12 millions de dollars investis dans le film (soit 3,5 millions de plus qu'initialement prévu autant dire que le tournage fut chaotique) seraient rentabilisés, ils restèrent sur leur avis négatifs jusqu'à la sortie du film. Une de leur pire crainte venait du fait qu'aucune star n'ait été choisie pour les rôles principaux : Mark Hamill n'avait fait que quelques apparitions dans des séries télé, Harrison Ford avait jusque-là joué des petits rôles dans des films d'auteur (dont American Graffiti) et Carrie Fischer n'avait à son actif qu'une participation à un petit film du Nouvel Hollywood. Les deux noms du casting les plus connus en 1977 étaient en fait ceux de deux personnages destinés à mourir : Alec Guinness, ancien acteur fétiche de David Lean affublé du rôle du mentor, et Peter Cushing, l'ancienne star de la Hammer reconverti pour l'occasion en général impérial. Un choix de supprimer les anciens pour ne garder que les nouveaux qui en dit long sur l'envie qu'avait Lucas de bouleverser l'industrie hollywoodienne. Mais le succès de la saga fut aussi et surtout celle de son personnage maléfique, puisque, dès le premier film où il n'apparait pourtant qu'une douzaine de minutes à l'écran, Dark Vador s'est aussitôt imposé comme une des plus grandes incarnations du mal au cinéma.
Dès sa sortie en salles, le film devint un véritable phénomène. Les 12 millions du budget furent rentabilisé en quelques jours, la barre des 100 millions de dollars de bénéfices fut atteint à une vitesse record, le film resta premier du box-office dans de nombreux pays et obtint, en 1978, six oscars techniques sur ses onze nominations. Ce succès historique convainquit les producteurs de laisser à George Lucas les mains libres pour mettre au point les deux films supplémentaires qu'il avait en tête. À la surprise générale, ce dernier va profiter de l'argent récolté par la vente, elle aussi sans précédent, de produits dérivés et sur lesquels, selon un article du contrat, il a tous les droits d'exploitation, pour financer lui-même ces deux films (via sa société LucasFilm). Plus surprenant encore, il va déléguer à la réalisation à deux cinéastes certes expérimentés mais n'ayant jamais fait leurs preuves ni dans le domaine de la science-fiction ni avec un budget aussi colossal. Ainsi, en 1980, L'empire contre-attaque, réalisé par Irvin Kershner, obtint un succès comparable au précédent chapitre auquel il fut même jugé comme supérieur par beaucoup de fans, et que, en 1983, Le retour du Jedi, réalisé par Richard Marquand, réussit à devenir le plus rentable de la trilogie malgré un budget trois fois supérieur à celui du premier film. Ces trois films furent dès le début nommés les épisodes 4, 5 et 6, ce qui laissait déjà subodorer que Lucas avait en tête trois films qui puissent les précéder.
Mais, pour en revenir au bouleversement que a réussi à provoquer dès 1977, il faut d'abord prendre la mesure du regain d'intérêt que les producteurs ont eu pour le genre du space-opera. Le premier à rebondir sur le phénomène est Dino De Laurentis qui s'empressera d'acheter les droits de Flash Gordon, puis du roman dont il confiera la réalisation à David Lynch, soit deux ouvres qui inspirèrent Georges Lucas, ainsi qu'un réalisateur qu'il avait sollicité pour Le retour de Jedi. Mais, preuve que le phénomène fut planétaire, les japonais tentèrent aussi dès 1979 de produire " leur " Star Wars avec , trop kitsch pour s'exporter mais suffisamment populaire pour être décliné en série. Mais l'ampleur d'un pareil succès s'évalue également à la façon dont le film est entré dans la culture populaire au point de pouvoir se permettre d'être régulièrement cité par d'autres films. Depuis la parodie de Mel Brooks La Folle Histoire de l'espace (1987) jusqu'à la satire de ses propres fans, (2009) et sans compter les innombrables clins d'œil à la saga qui infusent toutes les comédies (jusque dans Les Nouvelles Aventures d'Aladin, c'est dire si même les spectateurs les plus incultes connaissent l'imaginaire Star Wars !), l'univers créé par George Lucas est partout !
Et quand, en 1999, Georges Lucas, à présent totalement libre de l'emprise de la Fox, réalise son rêve de développer les origines du personnage de Dark Vador et d'exploiter certains personnages imaginés puis abandonnés lors des premières versions de son scénario (à commencer par Mace Windu, le maître à la tête du conseil des Jedis), la nouvelle trilogie - les épisodes 1,2 et 3 donc - qu'il met au point a davantage de difficulté à fédérer les fans de la première heure. Bien que toujours plus rentable (en approchant le milliard de dollars de bénéfices), le premier film de cette nouvelle trilogie déçoit, accusé de délaisser sa dimension mythologique au profit d'une intrigue politique et d'avoir rationalisé le pouvoir mystique de la Force. Heureusement, les deux épisodes suivants réussiront à amoindrir ces deux reproches sans jamais atteindre la grâce de la trilogie initiale. C'est à cette époque que débute la série animée Clone Wars, signe de la volonté de Lucas d'étendre son public grâce à des supports qui dépassent le cinéma.
Le 30 octobre 2012, les fans sont en émoi : Georges Lucas a cédé, pour 4,05 milliards de dollars, sa société Lucasfilm, et donc les droits de l'univers Star Wars, à Disney.
Aussitôt, le projet d'une troisième trilogie est officialisé, suivi de peu par l'annonce de films dérivés, ou spin-off. La crainte de voir la franchise être dérivé en une multitude de films impersonnels, comme Disney l'a fait avec Marvel, devient alors légitime. Deux mois plus tard, le nom de J.J. Abrams est confirmé à la réalisation avec à sa J.J. J.J. Abrams et Harrison Ford préparent un septième film plein de promesses. Abrams et Harrison Ford préparent un septième film plein de promesses.disposition un budget de 200 millions de dollars. Celui qui avait déjà réussi à redonner un coup de jeune à Star Trek pouvait sembler être un choix logique pour donner suite à la saga Star Wars. Depuis, les éléments de scénario tombent au compte-goutte, contrôlé par une politique du secret particulièrement dure, le plus important étant celui lié au casting et le retour des trois acteurs principaux de la première trilogie. Mais, la volonté d'Abrams de coller aux films initiaux dépasse le rappel des interprètes historiques puisque le coscénariste des épisodes 5 et 6, Lawrence Kasdan, est lui-aussi recruté. La stratégie de Star Wars est claire : satisfaire les fans de la première heure tout en attirant les spectateurs plus jeunes qui n'auraient découvert la franchise qu'à travers la seconde trilogie ou les séries animées dérivées. Le but est ouvertement d'atteindre des records en termes de box-office. Pour cela, Disney décide même d'ouvrir, dans plusieurs pays dont les Etats-Unis et la France, les réservations deux mois avant la sortie mondiale. Une politique difficile à suivre par les exploitants mais qui ont déjà atteint des chiffres historiques. Il ne nous reste plus qu'à attendre et voir si cet épisode 7 tiendra toutes ses promesses ou s'il annonce une série de films uniquement fabriqués pour répondre à des enjeux commerciaux.
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