Un article un petit peu fouillis, aujourd'hui.
- Je voudrais déjà remercier toutes les personnes, qui ces dernières semaines m'ont offert des livres par le biais de ma wish list. Je le fais sur twitter et facebook sans penser que tout le monde ne consulte pas ces deux outils. Merci encore j'ai vraiment apprécié toutes ces attentins
.- Sur un tout autre sujet, dans le cadre de mon travail, j'ai été interviewée dans l'émission Les pieds sur terre pour parler du 13 novembre.
J'ai lu pas mal de livres depuis mon dernier article (j'avoue avoir un peu de mal à être régulière et à en parler plus souvent).
Georges Vigarello - Les métamorphoses du gras : Histoire de l'obésité qui raconte la perception de l'obésité au cours des siècles, et ce à partir du Moyen-âge. Il est difficile de savoir qui est considéré gros ou très gros avant le XIXème siècle dans la mesure où l'on ne se pèse pas.
Moyen-âge :
Au milieu du XIVème, celui qui est gros a du prestige dans un monde où la faim sévit. La grosseur et la grandeur témoignent d'un vigueur au combat et d'une grande force. Dans les romans médiévaux sont mis en avant les interminables repas. L'ours, animal gros, grand, fort mais aussi agile et rapide est un animal prestigieux. Le gros est donc rarement injurié au Moyen-âge. C'est un peu différent pour le très gros à qui on reproche sa gloutonnerie et son avidité qui sont des péchés. Même si l'on n'est pas capable d'estimer le poids du "très gros", cela désigne celui qui a du mal à se mouvoir, à monter à cheval, à faire la guerre.
La perception du corps évolue puisque les techniques de combat évoluent ; le chevalier doit à la fois être fort et agile. Va donc se substituer à l'image de l'ours celle du lion. Pour les femmes c'est vers la fin du XIIIème siècle qu'on commence à donner de l'importance à la finesse de la taille.
Il n'y a pas d'image de la grosseur dans l'iconographie médiévale avant le XVème siècle ; les personnages sont à peu près tous semblables . On commence à dessiner des hommes gros à partir du XVème siècle.
Il n'y a pas de jugement esthétique ; uniquement un jugement moral et de santé.
On commence à établir un système de classe sociale où les hommes du peuple sont représentés comme gros, lourdauds, alors que les nobles sont vus plus fins.
Epoque moderne :
A partir du XVIème siècle, on commence à juger le gros qui serait lent, fainéant, voire inintelligent. Alors que le Moyen-âge jugeait la gloutonnerie, la modernité juge la mollesse, la paresse. A cette époque, le chevalier fait place au courtisan qui n'a pas besoin d'être fort.
Commence à apparaître un langage méprisant les hommes gros.
La maigreur n'est pas plus acceptée car elle rappelle la mort, la famine, la peste, la stérilité féminine et serait synonyme de la mélancolie.
On tend deplus en plus aux XVIème et XVIIème siècles à représenter le gros en peinture (ex Rubens).
Il reste difficile de déterminer qui est vu comme gros. Le mot "embonpoint" (sens positif) qui apparait au XVIème siècle montre combien il est difficile de comprendre qui est considéré comme gros sans mesures chiffrées. Ainsi la marquise de Sévigné dans une lettre se désespère de voir sa fille "maigre" et souhaite la voir devenir "grasse" mais pas "grosse".
L'esthétique féminine reste une esthétique du haut du corps ; on ne s'intéresse pas à la grosseur du bas du corps.
On commence à voir apparaître des régimes et des vêtements censés serrer le corps jugé trop gros ; sangles, lacets etc. Le corset se généralise.
Le XIXème siècle :
Le corps masculin tolère des grosseurs, pas le corps féminin ; la taille féminine doit être fine et étranglée alors que celle de l'homme peut varier. On a une nouvelle esthétique avec l'apparition du bourgeois ; son ventre symbolise son opulence financière.
La critique du gros porte sur l'impuissance, la stérilité, le manque vital. Les médecins commencent à donner des moyennes de taille et des poids pour les hommes et les femmes.
Apparaît le mot "obésité" qui définit une maladie. On insiste sur le pathologique face aux personnes "très grosses". Les régimes du XIXème siècle portent sur l'idée de tonifier le gros, car on redoute l'affaissement. On utilise entre autres les bains froids et l'électricité.
Le chiffre autour du poids s'installe au début du XIXème siècles. Dés le 2eme tiers du siècle, on associe taille et poids. On commence à faire des typologies des personnes grosses ; les hommes grossissent au niveau du ventre et les femmes sur l'ensemble du corps. L'homme ventru est vu positivement s'il n'a pas l'air "affaissé". Mais cela peut aussi être vue comme un défaut ; la fatuité.
La rondeur est vue comme plus spécifiquement féminine car l'inactivité est vue comme un défaut typiquement féminin) et l'on commence à opérer des classements. Par exemple les prostituées souvent vues comme "naturellement" paresseuses seraient plus grosses que les autres femmes.
L'homme jeune doit être mince, à la taille étranglé, avec un torse bombé. On accentue son apparence avec une ampleur de veste démesurée et du rembourrage artificiel. L'homme mûr peut avoir du ventre. La femme doit être mince et fragile même si on constate qu'elle grossit en vieillissant.
Vers la seconde moitié du XIXème siècle, on juge de plus en plus sévèrement la femme grosse. Le mot embonpoint ne désigne plus quelque chose de positif ; il annonce la grosseur. Les nouveaux loisirs comme la baignade où l'on se dénude, la multiplication de miroirs en pied, l'évolution des robes qui moulent désormais le bas du corps poussent à davantage de pressions pour être mince.
Une critique sociale dénonce le gros comme celui qui est riche et qui exploite le peuple, maigre.
A cette époque l'obésité est associée à la dégénérescence.
On voit apparaître le thermalisme et de plus en plus de publicités pour des régimes amincissants.
XXème siècle :
La minceur est capitale mais aussi la musculature.
Chez l'homme l'apparition du veston croisé favorise un corps mince. Les femmes doivent être minces, élancées à cause des vêtements aux lignes étroites et sans taille. Le très gros devient monstrueux. Dés les années 20, les publications se multiplient autour de l'idée de maigrir et l'on évoque la cellulite qui inquiète. Les pathologies et thérapies associées au poids se multiplient. On commence à évoquer la souffrance des obèses en public en raison de l'ostracisme subi.
Epoque contemporaine :
Le constat s'inverse. Grâce aux statistiques, on constate que les gros ne sont pas les plus riches. L'obésité est vue comme un mal, un fléau, une épidémie. On voit apparaître des jugements face à elle (2005 deux ados gagnent en justice à NY contre McDonald's pour leur prise de poids).
L'obèse est vu comme quelqu'un incapable de se maîtriser et sans volonté alors qu'auparavant on le voyait comme celui qui "abuse". Les souffrances autour de l'obésité sont évoquées.
Michael Cunningham, La maison du bout du monde. Il m'a été conseillé par quelqu'un sur facebook dont c'est le roman préféré. Jonathan et Bobby ont grandi dans une petite ville américaine et se retrouve 15 ans plus tard à New York dans les années 80. C'est un roman autour de l'amour hétérosexuel et homosexuel, de ce qu'on appelle famille. c'est aussi un roman qui narre le début de l'épidémie du sida auquel sont indirectement confrontés les héros. C'est un roman que j'ai trouvé extraordinairement émouvant dans la façon dont sont décrits les personnages et comment on peut se construire une famille.
Augusten Burroughs, Courir avec des ciseaux. Voilà encore un roman qui m'a été conseillé. Les parents d'Augusten sont mentalement malades. Sa mère va un jour confier sa tutelle à son psychiatre pendant qu'elle tente de se soigner ; Augusten découvrira une famille encore plus particulière que la sienne où toutes les extravagances sont permises.
J'avoue avoir eu beaucoup de difficultés avec ce livre ; non pas que je ne l'ai pas aimé mais parce que je suis particulièrement sensible face à la maladie mentale. La lecture a donc été plus douloureuse qu'autre chose. Beaucoup de critiques sur lenet parlent de tragi-comique je n'y ai vu que le tragique, malheureusement.
J. Courtney Sullivan, Les débutantes. Bree, Celia, April et Sally se rencontrent à l'université féminine et féministe de Smith. Le roman alterne entre la narration de leur vie à l'université et de ce qu'elles sont devenues 5 ans plus tard.
Que voilà un roman qui m'a fait du bien. Imaginez un roman qui regorge de références et de questionnements féministes ; peu importe que je les partage ou pas, je les connais et cela crée, clairement une proximité avec l'auteure et ses héroïnes. Je me rends compte que c'est sans doute la première fois où je lis un roman aussi ouvertement et normalement féministe. Très chaudement recommandé donc !
Tania de Montaigne - La vie méconnue de Claudette Colvin. J'ai vu quelqu'un en parler sur twitter et j'ai aussitôt acheté le livre. Tania de Montaigne nous raconte l'histoire de Claudette Colvin, qui en 1955, avant Rosa Parks, refusa de laisser sa place à un blanc dans le bus ; elle fut battue, jetée hors du bus, emprisonnée et jugée. E.D. Nixon , le leader de la National Association for the Advancement of Colored People, décida d'utiliser son histoire pour faire avancer les droits des noirs. Claudette Colvin tomba enceinte - on ne sait pas exactement quand - peut-être d'un blanc, en tout cas d'un homme marié. Il devint donc difficile pour les militant-es de la mettre en avant ; elle aurait été discréditée. Fut donc mise en avant Rosa Parks ; l'auteure nous montre qu'il ne s'agit pas du tout, contrairement à la légende, d'une femme qui était fatiguée et avait mal aux pieds mais d'une militante qui avait pensé son acte. Simplement était plus intelligent médiatiquement d'en faire une simple femme qui décide seule de ne pas se lever car elle était fatiguée.
Le livre est passionnant et permet de mieux comprendre les stratégies militantes du NAACP dans les années 60 ; et cela permet de connaitre Claudette Colvin dont l'histoire ( comme d'autres) a été oubliée.
Stephen King - Mr Mercedes. J'ai été une assidue lectrice des romans de King entre 15 et 25 ans pour l'abandonner pendant quelques 15 ans. Depuis un ou deux ans, je rattrape donc le temps perdu.
King sort ici de son habituel registre fantastique pour écrire un thriller où un détective à l'ancienne part à la recherche d'un serial killer particulièrement machiavélique. Même si King excelle comme toujours dans la description de ses personnages, j'ai été un peu déçue par l'intrigue. Je préfère de loin les romans fantastiques.
Delphine de Vigan - D'après une histoire vraie. L'auteure rencontre L., une personnalité manipulatrice et perverse. Vous voyez le sentiment de passer à côté d'un roman que chacun semble avoir adorer ? Et bien voilà mon sentiment. J'ai eu l'impression d'avoir lu 100 fois cette histoire, j'avais deviné la fin à la moitié du livre, bref j'ai trouvé le livre d'un ennuyeux absolu.
Svetlana Alexievitch - La supplication. Svetlana Alexievitch va interroger pendant 3 ans des survivant-es, des pompiers, des scientifiques, des témoins de Tchernobyl. Elle les laisse décrire ce qu'a été pour eux ce événement-là ce qu'il a détruit, ce qui a été dit et ce qui n'a pas été dit.
La spécificité de Tchernobyl est peut-être la difficulté à décrire et à visualiser ce qu'il s'est passé. Beaucoup d'habitants des villes alentours décrivent combien il était compliqué de comprendre la gravité de la situation tant tout paraissait normal. Comment comprendre - même si on leur avait dit ce qui a rarement été le cas - qu'il ne fallait pas manger d'appétissants légumes poussant dans leurs champs alors qu'ils n'ont aucune tache et paraissent parfaitement normaux. Comment comprendre les radiations et leurs effets. Je ne sais pas ce que je peux dire de ce livre. Je l'ai lu le 14 novembre ; cela n'était sans doute pas le meilleur jour. C'est un livre à lire pour comprendre au plus près, par la force des témoignages ce qu'a été cette catastrophe (je peine à trouver un mot pour décrire au mieux Tchernobyl).
Lionel Shriver - Big brother. Pandora n'a pas vu son frère Edison depuis deux ans. Lorsqu'il décide de lui rendre visite, c'est le choc; il a grossi de quelques 100 kilos. Pandora va alors décider de l'aider à maigrir. Le livre est dédié au frère de l'auteure, en grand surpoids et mort d'une maladie cardiaque ; dans ce livre Schriver se questionne sur ce qu'elle aurait pu ou du faire pour son frère.
Ce livre permet d'analyser en profondeur nos regards sur le poids ; les regards portés sur Edison et son obésité sont bien plus durs et agressifs que s'il avait commis un crime atroce. Le fait qu'il soit gros le pare d'une multitude de tares aux yeux des gens. Le mari de Pandora est ainsi d'une infinie cruauté avec Edison. Lionel Schriver est une de mes auteures préférées et, encore une fois, ce roman est à lire, malgré sa dureté.
J'ai lu énormément de romans d'Annie Ernaux au début des années 90 pour en abandonner la lecture, d'un seul coup, je ne sais plus du tout pourquoi. Je la décris comme "la romancière AFP" car son style d'écriture ne s'embarrasse pas de fioritures ou de descriptions ce qui me convient parfaitement, je dois bien le dire. J'ai donc relu La place qui part de la mort de son père pour raconter la vie de ce père, d'origine paysanne, quasi illettré dont elle s'est éloignée dés qu'elle est rentrée au lycée. Ce qu'ils disent ou rien, raconte ses premières expériences amoureuses et sexuelles, sa solitude et ses tourments d'adolescente de 15 ans. Ce n'est peut-être pas le premier roman par lequel il faut découvrir Ernaux car c'est un long monologue intérieur qui peut paraître rebutant.
Auður Ava Ólafsdóttir - Rosa candida. Arnljótur, un jeune homme de 25 ans, quitte son pays après la mort de sa mère tragiquement disparue, pour s'occuper d'une roseraie de monastère abandonnée depuis longtemps. Il a eu une petite fille Flora Sol, lors d'une brève nuit d'amour. La mère de l'enfant va un jour lui demander de s'en occuper pendant quelques mois, le temps qu'elle termine sa thèse.
Gracieux. Tout est gracieux dans ce roman jusque dans les gestes du héros qui apprend les gestes les plus élémentaires de cuisine pour nourrir son enfant et sa mère. Il y a l'entretien de la roseraie et sa remise en état avec le parfum des roses qui nous gagne, il y a les séances de cinéma et les discussions avec un des moines. Et il y a la troublante ressemblance de Flora Sol avec l'enfant jésus de l'église du village. je me demandais ce qu'était un roman charnel avant d'avoir lu ce livre et je crois que maintenant je comprends mieux le terme. Un livre à lire de toute urgence