Dans le même coffret édité par ZED dont nous avons déjà chroniqué Das Reich, une division SS en France, se trouve un autre documentaire qui lui fait écho, traversant les mêmes problématiques, il s’agit de Résistants Collabos, une lutte à mort. Au-delà du titre, encore une fois, un peu racoleur, le documentaire de Christophe Weber et Franck Mazuet éclaire les destins croisés de ces français divisés par l’Histoire et nous entraîne aussi dans les ambiguïtés de l’épuration.
Reprenant des documents d’époques, Résistants Collabos, une lutte à mort évoque les résistants de la première heure tels Georges Guinguoin (que l’on a évoqué dans Das Reich, une division SS en France) ainsi que ceux, tardifs, dont certains retournèrent leur veste. Face à eux, il évoque, dans un inventaire à la Prévert, ces fanatiques pro-nazis ou ces gangsters opportunistes qui virent dans la collaboration une porte de sortie capable de les hisser parmi les notables.
Rentrés dans la clandestinité, près d’un cinquième des députés du parti communiste français, ont refusé de prendre acte du pacte de non-agression germano-soviétique et rentrent en résistance dès les premiers jours de la défaite française avant même que De Gaulle ne fasse son apparition. Les militants suivent ce mouvement. Georges Guinguoin fait donc partie de ses militants communistes qui, dès 1940, contre l’avis du Parti, forment des unités combattantes. Cet instituteur devient rapidement le chef du maquis limousin, l’un des plus farouches de France. Au plus fort de la résistance, ses troupes comprendront près de huit mille hommes armés. L’inexpérimentation des jeunes affluant pour en découdre fut souvent l’un des points faibles du maquis. Rajouté à cela, le manque d’arme et de munition, qui ne furent largué massivement par la Royal Air Force que très tardivement dans l’optique de soutenir le débarquement en Normandie et Guinguoin dut se réduire à multiplier les actions de guérilla. Ces dernières furent décisives dans la victoire allié, les francs-tireurs partisans réussissant à réduire considérablement la capacité de transport des allemands en sabotant les voies ferrées. Terrible destinée, Guinguoin, sur la foi de témoignage d’anciens collaborateurs fut condamné à la prison pour meurtres en 1953 et n’en sorti, bénéficiant d’un non-lieu que six ans plus tard. Drôle de manière de récompenser l’un des plus fervents défenseur de la République. Le documentaire a cet intérêt de présenter une erreur judiciaire envers un résistant, là ou tant de documentaire étayent surtout les excès et les règlements de compte de l’épuration. Oubliant souvent que la majeure partie des collaborationnistes ne furent jamais inquiétés ou furent graciés en vertu de l’union nationale.Outre Guinguoin, Résistants Collabos, une lutte à mort fait aussi la part belle à l’émouvante histoire de Robert Lynen, acteur très connu de Poil de Carotte. Recruté par Marie-Madeleine Fourcade dans le réseau Alliance, composé, et c’est peu connu, essentiellement de tenant de la droite dure qui rentre en résistance par haine des allemands, il osera, malgré sa notoriété accomplir de nombreuses missions périlleuses. Il créera, à Marseille, une société de transport fictive couvrant le trafic d’arme de son réseau. Arrêté le 7 février 1943 à Cassis, torturé par la Gestapo et condamné à mort, il ne livrera aucun camarade. Il avait vingt-trois ans.
Face à eux, l’éventail des collaborationnistes est divers et varié. Certains comme Charle-Francisque André, dit Gueule Cassée, sont des militants fascistes convaincus. Inspiré par les discours de Jacques Doriot, du Parti Populaire Français, l’un des principaux parti soutenant Vichy, se découvrant antisémite avec l’occupation, Gueule Cassée est une tête brûlée jusqu’au-boutiste qui n’hésite pas à recourir à la violence. Avec l’aval de la Gestapo lyonnaise, il fonde le Mouvement nationale anti-terroriste qui s’acharne à organiser de sanglantes opérations de représailles envers la Résistance. Il s’y entoure principalement de repris de justice à qui l’on offre un dossier judiciaire vierge en l’échange de leurs services musclés. Fais peu connu rapporté par Résistants Collabos, une lutte à mort, certain de ces gangsters s’en sortiront en changeant de camp à la fin de la guerre. D’autres iront jusqu’à créer de toute pièce de fausses divisions des francs-tireurs partisans dans le double but de faire mauvaise presse à celle-ci et de se livrer impunément aux pillages et aux exactions. Mais ces fanatiques ne constituait pas le gros des troupes collaborationnistes. C’est du côté de la Milice française dont l’effectif d’adhérent atteignit les vingt-neuf mille hommes qu’il faut se pencher pour prendre la mesure d’une adhésion populaire à Vichy, d’un véritable schisme dans la société française. Schisme qui existait avant-guerre, et qui existe encore, et dont les promoteurs de l’Extrême-Centre voudrait gommer maladroitement les signes qui portant oppose des choix de société radicalement différents. Les miliciens, organisés directement par Vichy, dès le 30 janvier 1943, reçurent une formation militaire et furent le fer de lance de la lutte contre les juifs, les communistes et tout ceux que le régime considérait contre des ennemis d’États. Il reste à tempérer ces observations par le fait que quatre mille de ces miliciens faisait partis de la Franc-Garde, la branche armée de la Milice. Ce qui n’enlève rien que les autres miliciens étaient des adhérents idéologiques à Vichy. Certain argueront que collaborait, c’était rendre son quotidien plus facile en ces temps de disettes, mais est-ce une raison valable pour trahir, non pas la France, mais les idéaux que furent la Liberté, l’Égalité et la Fraternité ?
Résistants Collabos, une lutte à mort affichent les traditionnelles images condamnatrices de l’épuration avec leurs lots d’humiliations inutiles et de vengeances déguisées. Cependant, on aurait tendance, en rapprochant les analyses de Das Reich, une division SS en France et Résistants Collabos, une lutte à mort qu’à l’image de l’Espagne post-franquiste, les non-dits et les impasses judiciaires laisse le dossier malheureusement ouvert davantage qu’ils n’ont servi une réconciliation sincère du pays.
Boeringer Rémy
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