La fin d’année approche, et certains pourraient croire que l’année prochaine se profile sous de bien tristes auspices : croissance en berne, chômage en hausse, la politique française toujours bloquée dans les années 90, tout semble s’agglutiner mollement pour une année 2016 au contenu pauvre en amusement. Eh bien en réalité, il n’en est rien.
Bien sûr, si l’on s’arrête bêtement aux données macro et micro-économiques, la dépression guette avant même l’arrivée de la dinde et du foie gras. En revanche, si on épluche un peu les petites nouvelles de la semaine et qu’on passe en revue les bonnes idées des élites qui nous gouvernent, on est immédiatement pris d’un agréable sentiment que rien n’est jamais allé aussi bien.
S’il y a bien un moment de se réjouir, c’est maintenant : jamais les sprinklers à pognon n’ont été aussi grands ouverts. Alors qu’à entendre toutes les personnalités politiques parler d’un air grave d’austérité, de crise et de difficultés budgétaires, on pourrait naïvement croire que l’État français traverse actuellement une passe difficile, en réalité les nouvelles fraîches nous démontrent tous les jours qu’il n’en est rien.
Prenez le ministère de l’Éducation Nationale.
Dans le combat qui occupe tous les jours Najat Vallaud-Belkacem, son actuelle responsable, on pourrait croire que pas un centime ne peut être consacré à une dépense dont on s’est très bien passé depuis sa création, sur les quatre-vingt années précédentes. On pourrait croire en tout cas que toutes les sommes sont directement employées pour amener toujours plus de petites têtes blondes et brunes vers un niveau scolaire toujours plus élevé, au prix évident de sacrifices inouïs de la part d’un corps enseignant et d’une administration toujours prêts à se mettre en quatre, que dis-je, en huit voire en seize pour y parvenir.
D’ailleurs, les motivations des grèves (régulières) et les explications des nombreux tracts syndicaux de cette institution ne laissent aucun doute : l’Education Nationale manque tant de moyens qu’on voit mal débloquer (par exemple) 500.000 euros, entre deux couloirs d’antichambres ministérielles, pour indemniser des parents d’élèves.
Et pourtant, si : l’institution a les moyens. À partir de la prochaine rentrée scolaire, les parents d’élèves élus aux instances départementales, académiques et nationales seront indemnisés à hauteur de 7,10 euros net par heure pour la participation aux réunions et à leur préparation.
Et pour que tout ceci soit bien carré, bien propre, bien légal comme il faut dans cette République des Mille Et Un Articles de Loi, cette indemnisation interviendra dans le cadre d’un décret sur le statut des parents délégués. Enfin ! Il était temps ! Les parents d’élèves vont avoir un Statut ! Et lorsqu’il sera à un niveau important, il sera en plus rémunéré ! Youpi !
On oscille quelque peu entre la joie d’apprendre que finalement, la vénérable institution républicaine dispose d’encore assez de moyens pour ce genre de galipettes budgétaires, et la consternation de se rendre compte qu’on a encore une fois trouvé un expédient honteux à une désorganisation profonde du système.
En effet, cette trouvaille valaubelkacémienne répond à une demande de syndicats de parents d’élèves (toujours dans les bons coups, apparemment) dont les membres se plaignent (évidemment) que le temps consacré à préparer les réunions et à y participer finit par leur coûter en RTT ou en frais divers et variés. Il semble qu’on ait généreusement oublié l’organisation qui prévalait il y a encore quelques décennies, qui ne rémunérait aucun parent d’élève mais ne les faisait certainement pas intervenir à tout propos et hors de propos, et qui parvenait malgré tout à distribuer un savoir qui permit à tant de fils et filles de classes laborieuses d’atteindre les sommets républicains. De nos jours, on a semble-t-il tendrement préféré l’immixtion quasi-permanente de ces parents, quitte à les payer, plutôt que se concentrer sur le niveau d’apprentissage, devenu déplorable et qui semble n’interpeler personne, ou seulement lorsqu’une enquête PISA aux résultats catastrophiques vient mettre dans le caca le nez de tous les intervenants de ce référentiel éducationnel bondissant.
Mais je suis mauvaise langue. Oublions cette froide réalité, et repartons plutôt à l’assaut des possibles qui nous permettra, une fois dégagé des basses contingences matérielles, de tutoyer l’univers en oubliant ces histoires budgétaires si terriblement futiles.
Après tout, si l’Ednat peut se permettre de claquer un demi-million d’euros pour payer des gens à faire le travail du corps enseignant qu’elle paye aussi en parallèle, il n’y a pas de raison de s’inquiéter.
Et c’est d’ailleurs sans la moindre inquiétude que nos élites, toujours résolument placées sous le signe zodiacal du Ranafout et du Célétakipaye, se sont lancées dans la candidatures de Paris au prochains jeux olympiques de 2024.
Et apparemment, on en a les moyens, mes petits amis ! Et non seulement on a les moyens d’accueillir ces JO, mais on a même les moyens de candidater. Il faut en effet se rappeler que si l’installation et la préparation d’une saison de Jeux Olympiques est particulièrement coûteuse au pays qui les accueille (on parle en milliards d’euros gros et gras), l’acte de candidature lui-même n’est pas non plus à la portée de la première bourse et se compte aussi en dizaines de millions d’euros. Ça, c’est du dossier !
Pour que la fête soit totale, la mairie de Paris et le comité national olympique français se sont donc lancés dans une petite campagne histoire de rassembler 60 millions d’euros (en dessous de ça, de nos jours, t’as plus rien) histoire de rivaliser avec les autres candidatures comme celles de Los Angeles ou Rome. Les calculs sont simples : trente millions devront provenir de sponsors privés, d’entreprises diverses et variées, et le reste sera abondé par les Français volontaires au moyen d’une campagne de dons, lancée – pour sacrifier à la mode du moment – en crowdfunding.
Las. Après quelques semaines, l’enthousiasme délirant des organisateurs n’a pas réussi à mobiliser les Français. Sur les 30 millions attendus, même pas un de récolté : 629.000€ de dons, on est vraiment trop loin.
Faudrait-il renoncer ? Faudrait-il admettre, comme Anne Hidalgo le faisait elle-même l’an dernier lorsqu’on évoquait la question, que « les JO, c’est très joli, mais il n’y a pas une seule ville qui s’y soit retrouvée sur le plan financier » et qu’en conséquence, tout ceci ressemblait à un nouveau gouffre financier absurde pour une nation déjà catastrophiquement endettée et qu’on allait faire peser sur des générations futures dont le sort ne semble intéresser que lorsqu’il s’agit de créer des taxes et autres ponctions contraignantes ?
Oh là, surtout pas !
On ne se laissera pas gagner par la grisaille. 2016 sera joyeuse et placée sous le signe de la dépense. Encore.
Et encore une fois, tout comme l’EdNat qui dégotte de l’argent pour suppléer à ses manquements, la mairie de Paris trouvera les ressources qui manqueront. Il suffira… d’un nouvel impôt, pardi ! Par exemple, instaurons une taxe sur les licences sportives annuelles, parce que, bien sûr, si vous êtes licencié, c’est forcément que vous voulez de ces superbes jeux dans la Capitale française !
Et tant pis si on sait déjà que ces jeux seront un gouffre. Tant pis si on sait que les budgets ne seront pas respectés. Tant pis si les Parisiens, déjà perclus d’impôts et de taxes, n’en peuvent plus. Tant pis si l’appel au dons fut un bide qui démontre qu’en définitive, peu sont ceux qui veulent de ces jeux. Tant pis : tout le monde y aura droit.
L’année passée fut une année dépensière, dispendieuse et sans aucune espèce de restriction budgétaire. Rassurez-vous : à l’aune de ces deux exemples, pas de doute, 2016 saura surpasser 2015.
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