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Antoine Bello et l’assurance-vie

Par Pmalgachie @pmalgachie
Antoine Bello l’assurance-vie Comment intégrer à une fiction des éléments peu solubles dans celle-ci ? Antoine Bello a choisi, à première vue, la solution la plus simple en répartissant les rôles entre deux narrateurs : d’une part, la matière la plus ardue est exposée en sept articles signés Vlad Eisinger dans The Wall Street Tribune ; d’autre part, le commentaire, l’approfondissement et le caractère romanesque des personnages sont confiés à Dan Siver, écrivain. Mais des passerelles sont jetées entre les deux. C’est là que Roman américain affine sa construction, dans les échanges entre ceux qui se connaissent depuis longtemps et finissent par rapprocher leur vision d’une communauté de 580 habitants installés à Destin Terrace, en Floride. Le premier y puise les exemples de ses articles, le second y vit. De quoi est-il question dans les articles ? Du « life settlement », soit le commerce de polices d’assurance-vie, en croissance d’autant plus grande que des sociétés s’y sont impliquées – au lieu des particuliers qui avaient été les premiers à le pratiquer –, ce qui suscite d’innombrables questions. En particulier celles qui font le titre du dernier article : « Le life settlement est-il utile ? Est-il moral ? » Avant d’en arriver là, le lecteur a pu se faire une opinion. Et accumuler bien des arguments pour répondre « non » aux deux questions. Vlad Eisinger respecte les exigences de son journal. Elles sont parfois pesantes : « Mon métier n’est qu’une somme de contraintes… Je ne peux rien écrire qui n’ait été vérifié auprès de trois sources différentes. J’en ai marre de voir mes articles révisés par des avocats ou sabrés pour faire de la place aux résultats trimestriels d’IBM. » L’aveu est tardif. Il a longtemps défendu la rigueur de sa méthode devant les propositions que lui faisait son ami, celui-ci réécrivant une scène sur un ton plus vivant. Dan dit avoir compris l’intention de Vlad : « chroniquer ton époque à travers le négoce de polices d’assurance-vie, comme Steinbeck ou Melville se sont servis de la mécanisation de l’agriculture ou de la chasse à la baleine pour peindre la leur. » Mais il lui manque, dit-il aussi, le souffle de la vie que ces romanciers insufflaient à leurs récits. Les points de vue semblent inconciliables. Dan et Vlad bataillent de loin, sans quitter leur camp. Antoine Bello complète leur lutte amicale par des jeux qui semblent hors sujet : ils font des anagrammes avec des noms d’écrivains, Dan ajoute un fait sorti de son imagination à une page Wikipedia et, avec l’aide de sa nièce, lui donne les apparences de la vérité…
A l’arrivée, il s’agit bien de la chronique d’une époque à partir d’un angle étroit, mais à deux voix et avec, en prime, un tas de petites choses amusantes.

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