Critique des Rustres de Carlo Goldoni, vu le 12 décembre 2015 au Vieux-Colombier
Avec Gérard Giroudon, Bruno Raffaelli, Coraly Zahonero, Céline Samie, Clotilde de Bayser, Laurent Natrella, Christian Hecq, Nicolas Lormeau, Christophe Montenez, et Rebecca Marder, dans une mise en scène de Jean-Louis Benoît
Les Rustres, c’est une pièce féministe qui a une certaine résonance tout particulièrement aujourd’hui. La récente montée des extrêmes en France, les attentats, tous ces événements nous amènent à nous renseigner sur ces hommes français et qui nous sont pourtant totalement étrangers, sur leurs pays, leurs modes de vie. Et on se rappelle que les femmes n’ont pas le droit (entre autres) de conduire en Arabie Saoudite.
Dans la pièce, les femmes sont interdites de sortie et leurs maris exigent d’elles une soumission totale à leurs bons vouloirs. Seulement voilà, si la plupart des femmes acceptent cette condition de vie, tout en se plaignant régulièrement, l’une d’entre elles ne l’entend pas de cette oreille et gère elle-même son couple. Elle est l’espoir, le modèle, en quelque sorte.
C’est bien de monter cette pièce en des temps si troublés. C’est un joli clin d’oeil, c’est politiquement correct. Mais au-delà de l’allusion aux récents événements, au-delà du rappel que de tels hommes existent encore et toujours, que ce texte semble daté ! Que de longueurs ! Quel manque de finesse ! On ne rit jamais de bon coeur grâce au texte ; on sourit toujours grâce à la maîtrise de Christian Hecq ou de ses camarades. Je ne reconnais pas dans ces Rustres l’auteur de La Trilogie de la Villégiature.
Peut-être que je ne parviens à apprécier Goldoni que lorsqu’il est monté de façon plus tchekhovienne, à la manière de Françon dans cette Trilogie. Seulement ici, ce choix semble plus délicat à mettre en oeuvre. Néanmoins, ces cris perpétuels sur scène, ces mouvements incessants, ces personnages sans âme ne parviennent pas à m’intéresser. Ils sont dessinés si grossièrement, comme des marionnettes qui s’agitent devant nous. Je n’aime pas voir de simples pantins, lorsque je vais au théâtre. J’y recherche l’âme, l’être plus que le jeu.
Heureusement, les acteurs sont là pour éviter de faire de ce spectacle un échec. Christian Hecq est fabuleux, au top de sa forme : il compose un Lunardo psychorigide, lunatique, égoïste, et surtout hilarant ; je lui dois mes principaux rires tant ses facéties sont rythmées ! Et bien qu’elles soient nombreuses, il ne semble jamais tirer la couverture à lui, bien au contraire ; c’est presque sa manière de donner la réplique à ses camarades ! Cette pièce fut également l’occasion de découvrir Rebecca Marder, jeune première fraîchement engagée au Français : elle tient ici un rôle principal et s’en tire très bien pour sa première apparition au Vieux-Colombier !
On connaît le talent du reste de la troupe, et chacun sert son rôle très convenablement sans non plus délivrer une prestation inoubliable. Mention spéciale à Clotilde de Bayser, qui a sûrement le rôle le plus intéressant et qui délivre son message avec brio. Grosse déception cependant du côté de Laurent Natrella, qui est pourtant un acteur que j’admire généralement : ici, son Comte est grotesque, lourd, ridicule sans être drôle. Bien dommage. Enfin, cette pièce souligne l’éternel rôle de Céline Samie, qui joue constamment de la même manière, quelle que soit la pièce dans laquelle je la vois. Juste, certes. Mais du Français, on attend plus que de la justesse…
Pour les amoureux de Goldoni, vous serez servis. Pour ceux qui doutent, vous pouvez passer votre chemin… ♥